Grisé par la vitesse, le jeune garçon savourait son plaisir : quarante kilomètres par heure, quelle performance ! A Versailles, avant de monter à bord du wagon, il était allé examiner les deux locomotives et leurs tenders : en tête la petite Matthieu-Murray, une locomotive conçue par le grand Stephenson, et, derrière, une seconde, plus lourde, l’Eclair, rajoutée pour l’occasion. Jules avait dû supplier son père pour qu’il accepte de prendre le train. Le contre-amiral Dumont d’Urville ne semblait pas éprouver la fascination de son fils pour ces nouvelles machines. Il aurait préféré rentrer en fiacre. Et comme souvent depuis son retour, il était d’humeur bougonne…
Lire la suite ici : Le dernier voyage du contre-amiral
Cette petite nouvelle m’a été inspirée par la lecture de la biographie du grand navigateur Jules Dumont d’Urville (1790-1842), un nom connu dans la petite région de Normandie dont je suis originaire.
Tombe de Dumont d’Urville, de sa femme et de son fils, cimetière du Montparnasse
C’est un personnage étonnant à la fois par sa curiosité encyclopédique et par son attachement à une vie de famille si compliquée quand on part faire trois fois le tour du monde. Et en même temps, il a un côté dur, prétentieux, assez insupportable avec ses hommes.
Il est toujours second partout et se fait dribbler bêtement : il se fait souffler la Vénus de Milo sous le nez par le secrétaire de l’ambassade de France à Constantinople ; il se fait souffler la prime de la découverte du sort de l’expédition La Pérouse par un aventurier irlandais ; il se fait souffler le commandement de la Coquille par Duperrey (j’ai bien écrit le nom avec un « y » il ne s’agit pas de l’amiral Duperré avec un « é » dont la statue se trouve sur le port de La Rochelle).
Il découvre la Terre Adélie d’accord… qu’est-ce ce que ce bout de glace par rapport à ce qu’ont découvert avant lui Magellan, Cook ou Bougainville ?
Sa fin tragique et ses obsèques lui donnent une dimension étonnante par rapport à ses illustres prédécesseurs qui ont péri au cours de leurs expéditions : Magellan, Cook et La Pérouse.
J’ai trouvé symbolique et en même temps un peu pitoyable qu’il meure dans le premier accident de train de l’histoire, très bêtement coincé dans son wagon de première classe fermé à clé de l’extérieur…
Je me sens malgré tout assez proche par certains côtés de cet homme : son envie de voyage alors qu’il a été élevé au cœur d’un bocage, dans un univers où l’on est tout sauf marin.
J’ai eu la chance de vivre à une époque où les avions existent et j’ai eu l’occasion de retourner dans certaines contrées que ces grands navigateurs avaient explorées plusieurs siècles auparavant : Balade en Nouvelle-Calédonie, là où James Cook avait accosté en 1774 ; Batavia où tous ces grands navigateurs ont contracté de mauvaises fièvres.
Pingback: Moi, Jules César, découvreur de l’Antarctique – La Serre à histoires
Pingback: Circumnavigations | amnistiegenerale
Pingback: L’Antarctique, son statut, ses bases scientifiques : un petit décryptage | amnistiegenerale