Le port de Casablanca est actuellement l’un des grands ports d’Afrique avec un trafic d’un peu plus de 27 millions de tonnes.
Il n’est pas à la même échelle que les grands ports d’Asie du Sud-Est (Singapour 483 millions de tonnes, Shanghai plus de 700 millions de tonnes) ni d’Europe (Rotterdam près de 450 millions de tonnes) mais ses installations sont en cours de transformation, et bien adaptées au trafic maritime du XXI e siècle et à la mondialisation.

Vue aérienne oblique sur le port de Casablanca protégé par sa longue jetée avec ses différentes installations et le centre-ville (au centre la place des Nations Unies, à gauche la Médina, à droite le CBD de Casablanca avenue des FAR)
Cette présentation du port de Casablanca m’intéresse dans la mesure où j’ai essentiellement passé ma vie dans des villes portuaires (Le Havre, Cherbourg, Caen, Dakar, Casablanca, Nouméa, La Rochelle) et qu’en plus d’un demi-siècle leurs installations se sont presque totalement transformées. Mon mari avait travaillé au début des années 1990 comme transitaire au port de Casablanca. A l’époque ce port ne traitait que 12 millions de tonnes. Il s’est très fortement transformé, c’est ce que je vais tenter de montrer ici.
Le port de Casablanca n’est pas un port pétrolier : le port pétrolier se trouve à une vingtaine de kilomètres au Nord-est de Casablanca à Mohammedia où existe depuis 1961 un terminal pétrolier et une raffinerie de pétrole. Ce port pétrolier a été agrandi à partir des années 1980. Il importe environ 10 millions de tonnes d’hydrocarbures et exporte environ 2 millions de tonnes d’hydrocarbures dont des produits raffinés (qui sont notamment réexpédiés vers d’autres ports du Maroc plus au sud comme Agadir, Tan-Tan, Layoune ou Dakhla).
Schéma du port de Casablanca
Beaucoup d’informations sont disponibles sur le site de l’ANP (Agence Nationale des Ports) : ANP Maroc mais il s’agit d’informations techniques à usage des professionnels et qu’il faut trier et recouper si l’on veut juste se faire une idée générale de la situation, ce que j’ai tenté de faire avec ce petit schéma du port de Casablanca :

schéma de repérage du port de Casablanca qui tente de montrer comment il s’insère dans la ville (en jaune), comment s’organisent ses activités principales (trafic de conteneurs, importation de céréales, exportation de phosphates) et comment se disposent ses installations (dessiné à partir des informations de l’ ANC et de Google maps)
Le port de Casablanca s’étend actuellement sur 450 ha, dont 256 ha de terre-pleins et offre plus de 8 km linéaires de quai. Il peut accueillir et traiter jusqu’à 40 navires à la fois (mais si on suit le trafic en direct sur le site officiel du port on constate qu’il y en plutôt une vingtaine en même temps à quai ou en rade ce qui tendrait à montrer qu’il est pour l’instant surdimensionné par rapport au trafic actuel).
Il est bien desservi par le rail (17 km de voies à l’intérieur du port) et ses 7 portes d’accès permettent une sortie facile des marchandises vers de grands axes (boulevard des Almohades vers l’ouest, avenue des FAR au sud puis boulevard Moulay Ismaël vers l’est) (même si un projet est en cours pour améliorer l’évacuation des marchandises vers l’est).
C’est un port polyvalent mais non pétrolier ainsi que le montre le graphique suivant qui ventile le trafic à l’importation comme à l’exportation par poste. Son trafic est très déséquilibré : importation massive de produits alimentaires (blé, sucre) et de biens manufacturés (conteneurs) ; exportation principalement de matières premières non transformées (phosphates). C’est une situation classique des grandes villes d’Afrique. L’activité du port de Casablanca représente 1/3 du trafic portuaire de Maroc.

Le trafic du port de Casablanca en 2016 (total 27 millions de tonnes) ventilé par poste (données ANC 2016, graphique CLG 2017)
Si l’on détaille davantage ce trafic voici 2 camemberts l’un sur les exportations, l’autre sur les importations. C’est volontairement que j’ai fait en sorte que le premier sur les exportations soit plus petit que celui sur les importations de manière à suggérer visuellement que le premier camembert représente 9,3 millions de tonnes en 2016 tandis que le second en représente 17 millions.

Exportations du port de Casablanca en 2016 (total 9,3 millions de tonnes) (source des données : ANP Maroc, graphique CLG 2017)

Importations du port de Casablanca en 2016 (total 17 millions de tonnes). Source des données : ANP Maroc, graphique CLG 2017)
Le trafic de conteneurs en cabotage (c’est-à-dire de port marocain en port marocain) est compté à part dans les statistiques car il ne s’agit pas de commerce international mais de commerce domestique).
Les statistiques de l’ANP ne distinguent pas ce qui entre dans la catégorie « autre » : c’est tout ce qui est du vrac non conteneurisé (par exemple des fers à béton) et tout ce qui relève du trafic ro-ro et du trafic voiturier.
Un petit briefing sur le transport de marchandises par voie maritime
Rappelons que le transport de marchandises par conteneurs (le terme anglo-saxon de « container » né en 1958 a été francisé en « conteneur » ) est une des grandes révolutions du transport maritime contemporain.
Un conteneur est une grande boite en métal aux dimensions standardisées : il en existe 2 formats les « 20 pieds » et les « 40 pieds » qui sont 2 fois plus longs. Ces dénominations font en effet référence aux dimensions de ces grosses boites :
- longueur de 20 pieds (soit 6,096 m) pour les petits ou 40 pieds (12,192 m) pour les grands
- largeur de 8 pieds (2,438 m)
- hauteur de 8,5 pieds (2,591 m)
Cette taille standardisée permet de les empiler de manière efficace et rationnelle et permet donc un grand gain de temps dans les opérations de manutention grâce à des grues de plus en plus grosses capables d’en transporter plusieurs à la fois.
L’unité utilisée pour comptabiliser les conteneurs est l’EVP (équivalent vingt pieds).
Les plus gros porte-conteneurs ont une capacité de 18 000 EVP (c’est le cas par exemple du Bougainville de la compagnie française CMA-CGM lancé en 2015). Le terminal conteneurs Est du port de Casablanca a une capacité de 700 000 EVP par an ; c’est également le cas du nouveau terminal conteneurs.
Ces conteneurs transportent tous types de biens manufacturés (électroménager, électronique, textile, chaussures…) mais aussi certains produits alimentaires transformés ou soigneusement empaquetés (par exemple des pommes et qui supportent plusieurs semaines de mer) et à l’exception des voitures…. qui sont automobiles et, qui, comme leur nom l’indique, peuvent monter et descendre par leur propres moyens d’où l’existence de navires spécialisés dans le transport de voitures et l’existence dans les ports de « terminaux voituriers« .
Enfin certaines marchandises sur des distances relativement courtes sont acheminées de manière plus rapide sur des camions (notamment quand il s’agit de camions frigorifiques). Il existe donc des navires spéciaux les rouliers ou Ro-ro (abréviation de « roll-on/roll-off » qui signifie « roule dedans-roule dehors ») et, dans les ports d’aujourd’hui, des terminaux Ro-ro avec des rampes d’accès.
Le reste des marchandises est du vrac solide, soit des matières premières pour l’agriculture (ex. phosphates, aliments pour le bétail) ou pour l’industrie (ex. bois de sciage, ciment, clinker -qui est un constituant du ciment-), soit des produits agricoles (ex. blé, sucre, agrumes…) Certains types de navires sont spécialisés dans ce type de cargaison (ex. minéraliers, cargos céréaliers)
Enfin le secteur des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) et leurs dérivés nécessite des installations particulières et des navires spécialisés souvent de très gros tonnage (pétroliers) et très sophistiqués (méthaniers, chimiquiers).
Il est important de comprendre qu’en terme de valeur, une tonne de biens manufacturés soigneusement rangée dans un conteneur vaut beaucoup plus qu’une tonne de pondéreux !
Si on fait une petite recherche simple on découvre par exemple qu’1 tonne de blé vaut actuellement environ 160 Euros ; 1 tonne de pétrole 400 Euros (avec un baril de pétrole de 159 litres vendu autour de 60 $ et environ 7,6 barils pour faire une tonne selon le type de pétrole) ; 1 tonne de phosphates 70 Euros cet automne alors qu’elle était à 90 Euros au printemps 2017.
Maintenant quelle peut être la valeur d’un conteneur qui ne contient que des ordinateurs portables ou des Smarphones ? Et quelle est la valeur de la cargaison d’un porte conteneur de 18 000 EVP contenant des biens manufacturés ? Cela peut donner le tournis ! (Cela donne en tout cas des idées aux pirates qui pullulent dans le détroit de Malacca et cherchent à arraisonner les navires pour obtenir des rançons)
Voilà pourquoi la richesse d’un port est actuellement très fortement liée au trafic des conteneurs bien plus qu’à des tonnages (même considérables) de pondéreux.
Historique du port de Casablanca
La construction du port de Casablanca commence au début du XX e siècle. Le premier plan d’eau abrité d’une douzaine d’hectares a été créé en 1906. En 1913 est édifié un plan d’eau de 100 ha protégé par une jetée principale parallèle à la côte (qui fait près de 3 km de long) et une jetée transversale.

Cette carte postale ne présente pas de date mais elle est prise depuis un avion un peu « rustique » (style biplan avec des cables qu’on voit dans le coin gauche) : les navires sont tous au mouillage comme s’il n’y avait pas encore de quais. De quand la dater, les années 1920 ?
C’est à l’intérieur de ce plan d’eau que sont construits au fur et à mesure des besoins les divers môles et postes à quai actuels. Le môle de commerce est mis en service en 1932.
Les terminaux porte-conteneurs à Casablanca
Deux terminaux porte-conteneurs sont successivement mis en construction le premier en 1972, le second en 1996 (Terminal Est). Un troisième terminal conteneur vient d’entrer en service entre la jetée des phosphates et le terminal Est. (Les travaux avaient pris du retard, il aurait dû être mis en service en 2016 avec 10 mois de retard mais je n’ai trouvé aucune date d’inauguration, pourtant sur Google maps où les images datent de 2017, il semble désormais opérationnel).

Les installations du 1er terminal conteneur portiques vert + grues jaunes qui peuvent traiter 300 000 EVP par an ; à l’arrière-plan les immeubles de bureau de l’avenue des FAR
C’est l’opérateur Marsa Maroc qui a obtenu en 2013 l’adjudication pour 30 ans de cette nouvelle infrastructure qui compte 30 hectares de terre-pleins, 4 portiques de quai et 10 portiques de parc. Marsa Maroc est un opérateur important à Casablanca et Tanger et a été introduit en bourse en 2016.

Les installations flambant neuves du terminal conteneur 3 de Marsa Maroc qui date de 2016 et peuvent traiter 700 000 EVP par an
Un terminal voiturier et quatre terminaux « Roro »
En 2012 le roi Mohamed VI était venu inaugurer le nouveau terminal voiturier qui peut stocker 6000 véhicules

Le nouveau terminal voiturier de Casablanca inauguré en 2012 ; à l’arrière plan la grande mosquée Hassan II .
Il existe dans le port de Casablanca 4 rampes de déchargement des « Ro-ros ».

Exemple de navire qui transporte des camions sur la ligne Casablanca-Marseille (avec une escale à Tanger Med), l’Aknoul qui est un cargo ro-ro de 122 m de long datant de 1993. Il est immatriculé à Nassau (Bahamas) et affreté par la CMA-CGM (la COMANAV est la filiale marocaine de la CMA-CGM) sur cette ligne régulière.
Un nouveau port de pêche pour Casablanca
Le port de pêche se trouvait historiquement juste près de la Médina et était à la fois vétuste, exigu et désormais mal placé. Le nouveau port de pêche réalisé par Dumez Maroc a été livré en avril 2017. Il se situe à l’extrémité Est du port ainsi que le montre la photographie suivante et sa superficie a doublé.

Cette photographie aérienne montre au premier plan le nouveau port de pêche de Casablanca livré en avril 2017. Juste derrière on distingue le site où seront installées les constructions navales. A l’arrière-plan sur la droite le minaret de la Grande mosquée Hassan II.
La restructuration du secteur de la réparation navale
Jusqu’à présent, cette activité était localisée à proximité de l’ancien port de pêche et ses installations étaient trop petites par rapport à la demande actuelle (une seule forme de radoub de 150 m de long sur 23 m de large pour 4,5 m de tirant d’eau ; un bassin d’armement).
De nouvelles installations vont être construites entre le Terminal Conteneur Est et le nouveau port de pêche avec 3 quais d’armement, une forme de radoub plus moderne (240 m de long pour 40 m de large), un portique à sangles (pour mise à sec de petites unités (navires de moins de 450 tonnes) et une plateforme élévatrice pour unités un peu plus grandes (jusqu’à 5 000 tonnes)
Casablanca est bien positionnée sur cette voie maritime qui remonte les côtes d’Afrique vers l’Europe notamment parce qu’il y a une saturation de l’offre aux îles Canaries.
La création d’un quartier à vocation touristique
Il y a en projet la transformation de l’ancien port de pêche, de la zone de réparation navales et la réaffectation d’une partie de la jetée qui était dévolue à la marine royale pour créer un quartier touristique avec un terminal croisières, une marina et des installations à vocation touristique (galeries marchandes, restaurants) qui formeraient un ensemble moderne se prolongeant jusqu’à la Grande Mosquée.
Petite conclusion provisoire
La modernisation du port de Casablanca est hallucinante pour quelqu’un qui comme moi l’a connu il y a une génération et n’en avait pas suivi l’évolution depuis.
Il en est de même de tous les ports du monde confrontés à la mondialisation, notamment ceux qui sont bien positionnés et affectés par le trafic de conteneurs. C’est l’un des grands thèmes du programme de géographie de Terminale générale mais il ne semble pas passionner mes élèves ! Je trouve au contraire fascinante cette évolution du trafic maritime mondial et ses implications en terme de développement économique et de contraintes environnementales.
Et pour ceux que cela intéresse, voici un site qui suit en direct les mouvements de tous les navires marchands dans le monde et donne leurs caractéristiques, leur position : Marinetraffic.com. Il peut illustrer concrètement la mondialisation tout particulièrement pour des collégiens et des lycéens !
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