Les paquebots d’autrefois. Retour sur un monde disparu II : les grands oubliés…

Les paquebots de ligne sur l’Atlantique Nord

Le France a donc été  le dernier grand paquebot de ligne français. Mais qu’en est-il des autres paquebots français et de ceux des autres pays ? Je me suis cantonnée à la ligne reliant l’Europe à l’Amérique du Nord pour laquelle les navires étaient les plus gros en garder certains paquebots emblématiques.

Normandie en mer

Le Normandie : le plus grand paquebot du monde avant la Seconde Guerre mondiale : 313 m. Accueilli triomphalement à New York au quai 88 de la « French Line » lors de son voyage inaugural en 1935 où il rafle le ruban bleu. Un luxe incroyable. Pendant la Seconde Guerre mondiale consigné à New York, il est récupéré par la marine américaine, rebaptisé USS Lafayette et brûle en 1942 pendant les travaux de réaménagement. Une partie de son luxueux mobilier sera réutilisé après guerre notamment pour réaménager l’ex Europa rebaptisé Liberté attribué à la « Transat »

tableau quelques grands paquebots.PNGOn pourrait se contenter de comparer leur taille, leur vitesse, le nombre de leurs passagers et de donner quelques anecdotes sur leurs déboires…

Mais je trouve plus intéressant de replacer ces navires dans leur contexte historique : le XIX e siècle a été le « siècle de l’Angleterre », on peut parler aussi du « siècle de Victoria » (qui a régné sur un immense empire de 1837 à 1901), un siècle où le  Royaume Uni domine l’économie mondiale, est « l’atelier du monde », contrôle les grandes routes maritimes. C’est aussi dans la deuxième moitié du XIX e siècle que lémigration vers les États-Unis (et plus largement vers le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) s’accélère avec des émigrants britanniques mais aussi venus d’Europe centrale, de Scandinavie et d’Italie (voir sur ce blog la partie « A propos de l’émigration au XIX e siècle et notamment cet article).

Cependant l’Allemagne réussit mieux le tournant de la 2e révolution industrielle à partir des années 1890 (celle du pétrole et de l’électricité, de la chimie et de l’automobile) tout comme les États-Unis, si bien qu’à la veille de la Première Guerre mondiale la hiérarchie des puissances industrielles s’est modifiée : les États-Unis sont au 1er rang suivis de l’Allemagne puis du Royaume Uni et de la France.

Les paquebots du premier XX e siècle sont donc en adéquation avec ce contexte géopolitique et économique.

Quelles sont les grandes compagnies de paquebots au début du XX e siècle ?

Dans le transport de passagers, le Royaume Uni va conserver très longtemps sa primauté avec notamment deux grandes compagnies : la Cunard (fondée en 1838 à Southampton). et la White Star Line (fondée à Liverpool en 1845).

Mais cette dernière compagnie est ensuite intégrée dans le trust fondé en 1902 par le milliardaire américain John Pierpont Morgan (1837-1913), l’International Mercantile Marine Company (IMM). L‘IMM englobe également plusieurs autres compagnies, dont la  Red Star Line (fondée à Anvers en 1871 et qui disparaît en 1935 à cause de la crise) et, plus tard, la United States Line, principale compagnie américaine (de 1921 à 1969).

Pour l’Allemagne, les deux grandes compagnies de transport de passagers à travers l’Atlantique sont la Norddeutscher Lloyd (fondée à Brême en 1857 et qui disparaît en 1970)  et la Hambourg America Line (ou  Hapag) fondée en 1847 et qui disparaît également en 1970 du fait sa fusion avec la précédente qui  forment alors la Hapag-Lloyd (qui existe toujours -voir l’article sur les porte-conteneurs). (NB les inititales AG en allemand qu’on retrouve souvent dans les noms d’entreprise signifient « Aktien » et « Gesellschaft » c’est à dire société par actions)

Enfin la France peut compter sur sa Compagnie Générale Transatlantique (fondée en 1855 par les frères Pereire) familièrement appelée « Transat » et qui disparaît en 1975 dans la fusion avec une autre, également importante, les  Messageries Maritimes pour former la Compagnie Générale Maritime (CGM) ou plus précisément la CMA-CGM (Compagnie Maritime d’Affrètement-Compagnie Générale Maritime) qui existe toujours.

Qui remportera le « ruban bleu » ?

Depuis la deuxième moitié du XIX e siècle, ces compagnies tentent de rafler le « ruban bleu »  remis au paquebot qui assurera le plus rapidement la liaison entre l’Europe et New York. Cette histoire de ruban bleu est un peu du même ordre que, pour ma génération,  l’histoire du premier homme dans l’espace puis dans  la lune et la rivalité technologique entre les États-Unis et l’URSS pour la conquête spatiale !

Ruban bleu tableau.PNG

Quelles puissances avait en effet la possibilité et l’intérêt à construire des navires rapides, modernes, sûrs et confortables dans la Première moitié du XXe siècle pour traverser l’Atlantique -Nord ? Il n’y en avait que 5 : Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, France et Italie (Le Japon n’y avait  aucun intérêt mais aurait eu la technologie pour y parvenir).

Ce sont donc ces 5 puissances qui ont rivalisé pour obtenir le ruban bleu et la dernière qui l’a remporté est, très symboliquement, la puissance dominante après la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis avec le United States en 1952…

Après, ce trophée n’a plus vraiment d’intérêt : traverser l’Atlantique en 3 jours 10 heures et 40 minutes, c’est très bien mais cela ne va pas aussi vite que l’avion et autant aller un peu moins vite (autour de 32 nœuds en vitesse de croisière comme le France et respecter scrupuleusement l’horaire fixé !)

Au début du siècle c’est la Norddeutscher Lloyd et la Cunard qui se partagent cette distinction. Logiquement le Titanic de la White Star Line était bien placé pour la ravir en 1912… mais on connaît la suite ! Puis, avec le lancement du Bremen et de l’Europa,  la Norddeutscher Lloyd qui reprend le trophée en 1929.

Stamp_Bremen_(1929).jpg

Timbre commémoratif de 2004 de la récupération du ruban bleu par le Brêmen en 1929

Un paquebot italien le Rex (lancé en 1931 et coulé en 1944) joue les outsiders et récupère le trophée en 1933 à la grande satisfaction de Mussolini. Mais c’est ensuite un duel qui s’engage entre les deux grands paquebots nouvellement mise en service le Normandie (1935 et 1937) et le Queen Mary (1936 et 1938).

Avec le recul, on se demande si les élites de ce premier XX e siècle qui naviguaient sur ces paquebots luxueux n’avaient pas de préoccupations plus altruistes que de battre des records de vitesse (qui aujourd’hui nous semblent un peu ridicules à l’époque des avions et des fusées), comme si le naufrage du Titanic en 1912 ne les avait pas un peu calmées…

La grande époque de la White Star Line

Si l’on se souvient encore de quelque chose concernant cette ligne, c’est du naufrage du Titanic en 1912. Je conseillerais à mes lecteurs d’aller visiter la Cité de la Mer à Cherbourg installée dans l’ancienne gare maritime, là où le Titanic fit sa dernière escale.

Titanic à Cherbourg.PNG

Je parlerai ici seulement des autres navires de la compagnie avant la Première Guerre mondiale. D’abord de l’Olympic et du Britannic qui sont les sisters ships du Titanic : leur grande taille montre qu’avant la Première Guerre Mondiale, seuls les Britanniques et les Allemands osent construire des navires aussi puissants, capables de transporter plus de 3000 passagers à chaque passage (soit à peu près 2000 en 3e classe, 500 en 2e et 500 en 1ère). Il faut  rappeler qu’en 1913 le nombre d’immigrants aux États-Unis est de l’ordre d’un million !

L’Olympic a connu une belle carrière jusqu’en 1934 (au point qu’on l’a appelé le « old reliable » -le vieux fiable-. Par contre le Britannic, utilisé comme hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale, a coulé en 1916 en mer Égée (c’est au moment de la bataille des Dardanelles) !

Les premiers grands paquebots de la Cunard

grands paquebots de la Cunard.PNG

La Cunard existe toujours (même si elle est aujourd’hui une filiale du groupe américain Carnival). Elle compte seulement 3 grands navires de croisière qui portent des noms de reine, tout comme les 3 navires qui ont assuré sa renommée à partir des années 1930. La Cunard et la White Star Line fusionnent en 1935 (compte tenu des difficultés économiques de l’époque) en conservant le nom de Cunard. Plusieurs navires sont désarmés à cette occasion car la flotte est vieillissante et en surnombre.

D’abord un mot sur un navire connu (même de nos élèves de Troisième !) : le Lusitania lancé en 1907 (qui rafle le ruban bleu dès sa première traversée), qui est un grand paquebot classique emprunté par la bourgeoisie et les immigrants…

Lusitania en 1907.jpg

Le Lusitania en 1907 à l’arrivée à New York quand il remporte le ruban bleu

Le Lusitania est réquisitionné par l’Amirauté britannique comme croiseur auxiliaire pendant la Première Guerre mondiale ainsi que ses deux sisters ships le Mauretania (lancé également en 1907) et l’Aquitania (lancé en 1914) tout en continuant à transporter des passagers. Le Mauretania est transformé en navire hôpital (tout comme le Britannic de la White Star Line dont nous avons parlé précédemment) et survivra à la guerre -il sera désarmé en 1934), tout comme l’Aquitania (démoli en 1960).

Par contre le Lusitania est torpillé au large de l’Irlande. Il transportait de l’armement... et des passagers soit environ 1200 victimes dont 128 Américains. La presse américaine va présenter cette attaque contre un paquebot neutre comme un acte de barbarie et contribuer à retourner l’opinion publique américaine en faveur d’une intervention des États-Unis dans la guerre, laquelle sera effective le 4 avril 1917.

Dans les années 1920, 10 nouveaux paquebots (en « -a ») sont construits par la Cunard : ils sont tous beaucoup plus petits que les 2 d’avant guerre (le Mauretania et le Berengaria qui est l’ex-Imperator de la HAPAG récupéré par la Cunard au titre des Réparations en compensation de la perte du Lusitania).

Les  grandes reines de la Cunard

Ce n’est qu’à partir de 1936 (après sa fusion avec la White Star Line) que la Cunard lance à nouveau la construction de très grands paquebots : le Queen Mary en 1936, le Mauretania (2e du nom) en 1939 et le Queen Elizabeth en 1940.

Reines de la Cunard.PNG

Queen MAry à Long Beach.JPG

Le Queen Mary (lancé en 1936, ayant cessé sa navigation en 1967 et coulant une douce retraite à Long Beach (Californie) comme hôtel flottant

Les déboires des grands paquebots allemands de la Norddeutscher Lloyd et de la Hambourg America Line (HAPAG)

La difficulté pour l’Allemagne c’est que, par deux fois dans le siècle, ses paquebots  vont se retrouver coincés sur une ligne qui relie leur pays à un pays neutre puis ennemi (les États-Unis). (Nous avons déjà évoqué un problème du même type en parlant des pianos Steinway pendant les deux guerres dans un article intitulé les Steinway de Hambourg et ceux d’Astoria).

Avant la Première Guerre mondiale

La Norddeuscher Lloyd (en anglais North German Lloyd) fait de la publicité en 1907 pour ses 4 navires qui assurent la liaison entre Brême et New York, via Plymouth (pour rejoindre Londres) et Cherbourg (pour rejoindre Paris) : ils sont caractéristiques avec leurs 4 cheminées : modernes, transportant à la fois des passagers fortunés et de pauvres immigrants.

afiche Norddeutscher Lloyd 1907.jpg

The Steerage du photographe Alfred Sieglitz 1907.jpg

Une photographie célèbre intitulée » the steerage » (l’entrepont) prise par un photographe américain Alfred Stieglitz en 1907 à bord du Kaiser Wilhelm II en partance pour… l’Europe

Cette photographie est souvent présentée comme un document historique montrant l’immigration d’Europe balkanique vers les États-Unis au début du XXe siècle… avec ces pauvres immigrants de 3e classe sur l’entrepont (en anglais steerage) sauf qu’elle a été prise dans le sens Amérique-Europe par un photographe qui a surtout soigneusement composé les lignes de sa photographie et joué sur les éclairages. L’ovale du canotier du passager du pont supérieur répond à l’ovale de la grosse pièce métallique à gauche et les lignes des passerelles s’enchevêtrent de manière très sophistiquée.

sort 4 paquebots NDL

(NB Ces navires allemands ont été rebaptisés : Mount Vernon est le nom de la résidence du Président George Washington ; von Steube est un baron allemand qui, au moment de la guerre d’Indépendance, a aidé les Américains à monter leur marine de guerre).

L’autre grande compagnie allemande la HAPAG dispose à l’époque de nombreux navires dont je n’ai gardé que les principaux (ceux qui circulent sur la ligne de l’Amérique du Nord) parmi lesquels les 3 plus importants lancés à peu près à la même époque sont de la classe « Imperator » qui est l’équivalent de la classe « Olympic » de la White Star Line : ce sont les Imperator, Vaterland et Bismarck.

sort HAPAG aprè 1GM.PNG

On constate que leur nombre de passagers est considérable (notamment en 3e voire 4e classe pour ceux livrés à partir de 1907). Il faut avoir en tête que l’émigration d’Europe centrale bat son plein à la veille de la Première Guerre mondiale en provenance de l’Empire russe et de l’Empire austro-hongrois.

La première guerre mondiale

Les paquebots allemands se retrouvent soit consignés en Amérique s’ils étaient là-bas puis saisis par les États-Unis lors de l’entrée en guerre en avril 1917 et reconvertis en transport de troupes,  soit -s’ils étaient à l’abri dans les ports de Brême ou de Hambourg-, saisis au titre des réparations à la fin de la Première Guerre mondiale.

Les Réparations et la flotte allemande

Dans les clauses du traité de Versailles de 1919, l’Allemagne doit effectivement céder aux alliés ses navires les plus importants. Par exemple le Columbus qui avait été construit à Dantzig en 1913 et qui n’était pas terminé est  donné à la White Star Line, terminé en 1922 et  rebaptisé Homeric. La White Star Line récupère également le Bismarck rebaptisé Majestic et qui est alors le plus grand paquebot du monde (299 m) jusqu’à la construction du Queen Mary en 1934.

La Cunard hérite de l’Imperator, rebaptisé Berengaria et les Américains récupèrent le 3e navire de cette classe impériale le Vaterland rebaptisé Leviathan. Il ne va pas connaître un grand succès commercial, d’une part parce qu’on y applique les lois américaines sur la prohibition (comment supporter un tel voyage quand on ne peut boire une seule goutte d’alcool ?) et d’autre part parce que les Quotas Acts de 1921 et 1924 réduisent l’immigration or ces navires disposaient de grosses capacités pour les  immigrants modestes.

La Norddeutscher Lloyd se retrouve sans navire important, voilà  pourquoi elle met en service trois nouveaux paquebots après guerre (le Columbus en 1924, le Bremen en 1929 et le l’Europa en 1930.

sort paquebots NDL

La Seconde Guerre mondiale

C’est ainsi que le Colombus qui faisait route pour les États-Unis en septembre 1939 reçoit l’ordre de faire demi-tour. Finalement il dépose ses passagers à La Havane, réussit à s’échapper jusqu’à Veracruz (Mexique) et à remonter le long de la côte américaine sous la protection d’une escorte américaine (les États-Unis à cette date sont encore neutres) mais le Colombus est repéré par un navire britannique : son équipage préfère le saborder plutôt que de le laisser capturer et il coule en décembre 1939 au large de la Virginie.

Le Bremen (lancé en 1929) qui était l’un des plus grands paquebots de l’Entre-deux-guerres tout comme son jumeau l’Europa (lancé en 1930) juste dépassé quelques années plus tard par le Normandie (en 1932) puis le Queen Mary (en 1934) reçoit le même ordre. Il dépose ses passagers à New-York, rentre au pays, se fait repeindre en gris et est réquisitionné pour participer aux opérations. Cependant en 1941, un membre de l’équipage y met le feu : après enquête ce n’était pas un acte de guerre mais un simple différent avec le propriétaire !

Bremen et Europa mars 1930.jpg

Le Bremen (derrière) et l’Europa (devant) de la Norddeutscher Lloyd dans le port de Bremerhaven en 1930

L’Europa a un peu plus de chance. Il remporte le ruban bleu dès son voyage inaugural en 1930, se trouve à Hambourg quand la guerre éclate, il sert de caserne flottante à Kiel pendant toute la guerre.

Les dommages de guerre

L’Europa est donné à la Compagnie Générale Transatlantique à la fin de la guerre (qui a perdu le Normandie) au titre de dommages de guerre. Il est rebaptisé Liberté mais va mettre longtemps à repartir (seulement en 1950) parce qu’il coule bêtement en 1946 dans le port du Havre en heurtant l’épave du Champlain qui y avait brûlé en 1939 ! Il va naviguer pour la Transat en tandem avec l’Ile de France jusqu’en 1961. Il  est détruit en 1962 quand le France entre en service.

L'Europa et le Paris.jpg

Dans le port du Havre en 1946, l’Europa (premier plan naufragé après avoir heurté l’épave du Paris qui a brûlé en 1939 (arrière-plan)

La »Transat » !

Et pour finir un petit point sur les grands paquebots de la Compagnie Générale Transatlantique la « Transat » avant le lancement de son dernier paquebot le France, dont le destin a totalement éclipsé celui de ses prédécesseurs d’avant guerre (voir l’article précédent).

Voici un petit récapitulatif de sa flotte de l’Entre-deux-guerres jusqu’au lancement du France en 1962.

flotte de la transat.PNG

Le Paris est un beau grand paquebot lancé en 1921 bientôt rejoint par un second encore plus long l’Île-de-France en 1927 et, le plus grand du monde, en 1932 le Normandie. Le Champlain est également lancé en 1932.

Trois de ces 4 paquebots aux intérieurs luxueux ne sortiront pas indemnes de la Seconde Guerre mondiale pour des raisons très diverses. Déjà le premier d’entre eux, le Paris, brûle bêtement dans le port du Havre en avril 1939. Il se retourne et bloque la sortie du Normandie qui se trouvait en cale sèche : on est obligé de scier les mats du Paris pour que le Normandie puisse reprendre la mer pour New York.

Normandie et le Paris en flamme.PNG

Le Normandie en cale sèche et à l’arrière-plan le Paris en train de brûler et de se retourner dans le port du Havre le 17 avril 1939

Il faut aussi comprendre que la position de la France pendant cette guerre est très ambiguë… et que la traversée de l’Atlantique par un paquebot en temps de guerre quand on est environné par des ennemis -qui changent- et des neutres qui s’engagent est compliquée.

Dans un premier temps la France entre en effet en guerre en septembre 1939 contre l’Allemagne aux côtés du Royaume-Uni, tandis que les États-Unis sont neutres.

Pendant cette période le Champlain (qui dès 1939 a été repeint en gris et a servi à du transport de troupes) saute le 17 juin 1940 sur une mine allemande  à l’entrée du port de La Pallice, dans le pertuis d’Antioche (pratiquement à l’endroit où se trouve aujourd’hui le pont de l’île de Ré), il est torpillé quelques jours plus tard.

Mais, avec l’Armistice du 22 juin 1940, la France devient alliée de l’Allemagne nazie et, de ce fait, le Royaume-Uni qui est toujours en guerre contre l’Allemagne devient son ennemi : la preuve en est que le général De Gaulle réfugié à Londres et qui appelle à une poursuite de la guerre est condamné à mort par contumace pour haute trahison par le régime de Vichy. Pourtant un certain nombre de possessions coloniales vont progressivement se rallier à De Gaulle : l’AEF et l’AOF, la Nouvelle-Calédonie en premier et donc basculer dans le camp des Alliés.

C’est ainsi que l’île-de-France qui, dans un premier temps, est resté à  New-York  retraverse l’Atlantique en 1940 repeint en gris avec une cargaison militaire pour les Britanniques. Il repart de Marseille pour Saïgon  juste avant l’invasion allemande de juin 1940 mais en cours de route il est capturé à Singapour par les Britanniques qui vont l’utiliser comme transport de troupes pendant toute la guerre.

Voilà qui explique pourquoi, quand le 7 décembre 1941 les États-Unis entrent en guerre après l’attaque de leur base de Pearl Harbor, ils ne vont pas hésiter à s’emparer des navires français qui sont amarrés aux États-Unis ce qui est précisément le cas du Normandie. Il est rebaptisé USS Lafayette et des travaux sont entrepris pour démonter son intérieur luxueux et le transformer en transport de troupes.

Hélas un incendie se déclenche à bord qu’il est impossible de le contenir :

USS Lafayette.jpg

Le USS Lafayette (ex paquebot Normandie de la « Transat ») dans le port de New York après l’incendie qui l’a ravagé le 9 février 1942

Bref, à la fin de la Seconde Guerre mondiale la « Transat », a perdu 3 de ses 4 paquebots qui assuraient la ligne entre le Havre et New York. La récupération et la remise en état de l’ex- Europa rebaptisé Liberté et qui retrouve certains décors du Normandie va permettre à la compagnie de reprendre ses navettes à travers l’Atlantique avec le retour de l‘Ile-de-France qui reprend du service.

À travers cette succession de déboires (Le Paris en 1939, le Champlain en 1940 et le Normandie en 1942), on peut peut-être davantage comprendre pourquoi, psychologiquement, le lancement du France en 1962 (2 cm plus long que le Normandie) était une manière un peu irrationnelle  d’exorciser ce passé dramatique.

 

 

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