Pourquoi tous ces changements de noms ? Réflexion sur l’effacement de l’Occident dans la toponymie et l’anthropologie

J’ai découvert récemment que le plus haut sommet d’Amérique du Nord était le Mont Denali (6 190 m) (voir l’article sur les Etats-Unis et l’Alaska). Comment avais-je pu passer dans mes études de géographie à côté d’un sommet aussi élevé sans jamais en entendre parler ? En fait c’est juste qu’il s’appelait le Mont McKinley jusqu’en 2015, du nom de ce président américain assassiné par un anarchiste en 1901 et auquel le Président Theodor Roosevelt a succédé. Ouf je n’étais donc pas si ignare ? Mais un peu troublée quand même : et si ce premier XXI e siècle était devenu fou en changeant les noms qui nous servent à nous repérer ? Et si, à force de se laisser guider par des GPS et de ne rien mémoriser, nous étions en train de perdre le Nord ?

Le Mont Denali (6 190 m) point culminant de l’Alaska (et de l’Amérique du Nord) ex Bolchaïa Gora (« grande montagne » quand l’Alaska était russe jusqu’en 1867) puis Denali (en langue athapascane) puis Mont Mc Kinley (de1896 à 2015) devant le lac Wonder (ou Deenaalee Bene en langue locale), ce paysage merveilleux classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO sous ce nom impossible à mémoriser de « Kluane / Wrangell-St. Elias / Glacier Bay / Tatshenshini-Alsek« 

Le phénomène de changement de toponymes n’est pas récent certes mais il me semble s’être accéléré avec la mondialisation et traduit, à mon avis, des changements géopolitiques : une manière pour les pays non occidentaux d’affirmer leur posture face aux anciennes puissances coloniales et aux Etats-Unis. Mais aussi une posture des pays occidentaux pour sortir d’une sorte de culpabilisation liée à la colonisation.

L’adoption de toponymes occidentaux à travers le monde avec la cartographie et la colonisation

La colonisation européenne à partir du XVIe siècle a entraîné l’adoption d’une toponymie qui mélangeait les noms locaux transcrits tant bien que mal en alphabet latin (notamment pour les certains sommets et cours d’eau), les noms d’explorateurs (surtout pour les pics, les baies, les îles), des conquérants, militaires ou administrateurs (ex. Fort-Lamy au Tchad, Port-Gentil au Gabon) et les noms de lieux importés avec éventuellement devant « New » ( New York, Bew Hampsire…), « La Nouvelle » (La Nouvelle-Orléans, Nouvelle-Calédonie), « Nuevo » (espagnol) ou « Nova »(portugais) ( comme Nova Lisboa en Angola) avec beaucoup noms de saints dans les contrées devenues catholiques (San Francisco, Santiago, Saint-Louis…). (voir l’article Les États-Unis : quelques préliminaires sur les cartes et les toponymes.

Les cartes marines ont été établies par de grands navigateurs européens et les principaux passages, golfes, baies, portent leur noms : détroit de Magellan, cap Horn, détroit de Béring, baie de Cook… Dans ce domaine James Cook est particulièrement bien pourvu (voir l’article sur Circumnavigation Cook).

L’Indépendance et l’effacement de certains noms embarrassants

On comprend donc qu’à l’Indépendance un certain nombre de pays, tout particulièrement en Afrique (dans les années 1960), aient pu choisir de rebaptiser un certain nombre de lieux : noms de pays, de villes, de rues. Prenons quelques exemples.

Léopoldville (du nom du roi des Belges), capitale du Congo belge est rebaptisée Kinshasa capitale du Zaïre… qui ensuite devient la République Démocratique du Congo tandis que sa voisine Brazzaville (du nom de l’aventurier-explorateur qui prend possession pour la France de la rive droite du fleuve Congo) garde son nom et devient la capitale du Congo qu’on appelle souvent Congo-Brazzaville pour ne pas le mélanger.

Mais, à vrai dire, ces changements de noms sont assez limités à l’époque et on a le temps de les intégrer.

Ils concernent surtout des lieux où l’Indépendance a été douloureuse. Ainsi au Sud du Zaïre (ex Congo Belge) la ville d’Elisabethville (du nom de la reine de Belgique) devient Lubumbashi (2e agglomération du pays). Elle située dans la province du Katanga en proie à une guerre civile au moment de l’Indépendance.

En Algérie de nombreuses localités sont également rebaptisées après l’Indépendance de 1962 : on abandonne Philippeville (qui faisait référence au roi Louis-Philippe Ier) pour Skikda (qui rappelle l’origine phénicienne de ce port), Bougie pour Bejaia (c’est juste un changement de transcription) mais on garde Constantine (qui fait référence à l’Empereur Constantin), Oran et Alger (qui est la transcription francisée du mot arabe al-djazaïr qui signifie « oasis).

Rebaptiser les noms de rues des anciennes villes coloniales ?

Il en est de même des noms de rues dans les villes anciennement coloniales qui sont débaptisées : on peut le voir au Vietnam à Saïgon-Ho Chi Minh ville (voir l’article De Saïgon à Ho Chi Minh ville). Le nom initial de la ville est vietnamien et fait référence à la rivière qui y passe. La ville coloniale créée à la fin du XIX e siècle avec son plan en damier a des noms de rues qui évoquent à la fois la France, les administrateurs locaux ; elle est rebaptisée Ho Chi Minh-ville en 1975 quand le Vietnam est réunifié par le communistes prenant ainsi le nom du leader de l’Indépendance. Mais, de plus en plus, les habitants d’aujourd’hui réutilisent leur nom de Saïgon, beaucoup plus court, facile à prononcer et aussi symbolique de l’évolution du Vietnam actuel vers un capitalisme qui s’éloigne de plus en plus du communisme d’Ho Chi Minh et permet à la ville de retrouver son rôle de place commerciale majeure en Asie Orientale.

J’ai assisté en direct à Casablanca au début des années 1990 aux changement de noms de toutes les rues du quartier Gauthier où j’habitais. Construit après la Première Guerre mondiale ce quartier tirait son nom du poète Théophile Gauthier (1811-1872). Ma rue Rabelais est ainsi devenue la rue Mahmoud Timour. A l’époque il n’y avait pas Internet ni le site Gallica pour découvrir qui était ce Mahmoud Timour (1894-1973) écrivain et poète en langue arabe (le « prince des conteurs égyptiens » dit l’éditeur français en 1938 en vantant la qualité de l’arabe qu’il utilise : ici ).

Seule la place Bel-Air et la rue principale du quartier, rue Jean Jaurès, ont échappé au changement de noms ! Le quartier voisin du Maarif avec ses rues aux noms de massifs français (Jura, Pyrénées) n’avait pas non plus échappé à ces changements de noms (plus précoces) mais tout le monde continuait à utiliser les anciens…

Derrière ces changements il y avait la volonté compréhensible d’enlever les noms embarrassants de la colonisation (ceux des militaires qui avaient « pacifié » le pays) mais une autre plus problématique d’arabiser le Maroc indépendanten faisant disparaître les traces de francophonie dans la toponymie.

Or le Maroc a une population arabo-berbère… complètement berbère dans la montagne. Ses élites (politiques et économiques) sont francophones et sont restées scolarisées dans le système français (le réseau des écoles françaises de l’AEFE au Maroc est le plus important au monde -voir l’article sur Grand Casablanca : éducation et santé) et non dans le système public arabisé marocain.

Il a fallu ensuite, beaucoup plus tardivement, admettre en 2011 dans la Constitution marocaine que le berbère (« amazighe ») était aussi la langue officielle du Maroc avec l’arabe (on estime entre 40 et 45 % la population qui parle cette langue au quotidien).

Mais ce phénomène de changement de nom concerne aussi les anciennes possessions coloniales britanniques. Il est plus tardif et relativement limité : la Rhodésie du Nord rebaptisée Zambie, celle du Sud Zimbabwe avec sa capitale Harare (ex Salisbury). Mais la figure de Cecil Rhodes ne pouvait pas être conservée (voir l’article Cecil Rhodes, un homme amputé de son nez un siècle après sa mort ? Ailleurs la toponymie était locale et on a gardé l’Ouganda (Kampala), le Kenya (Nairobi), la Tanzanie…

Le seul endroit où les changements de toponymes ont été considérable est l’Afrique du Sud mais cette fois-ci après la fin de l’apartheid (1993) comme si, en enlevant des toponymes d’origine hollandaise, on allait effacer et donc oublier cet épisode douloureux. L’Afrique du Sud que j’avais étudiée comprenait 4 Provinces : celles du Cap, du Natal, de l’Orange et du Transvaal. (voir l’article Orange, Vaal, Limpopo : cours d’eau, aménagements et frontières en Afrique du Sud). C’était simple à retenir. La grande ville qui s’était développée dans l’intérieur dans le « Witwatersrand » s’appelait Johannesburg. Mais surprise aujourd’hui on a 9 provinces dont le Gauteng (où se trouve Johannesburg) et le KwaZulu-Natal (où se trouve Durban) (voir l’article L’Afrique du Sud : mémoire, patrimoine et changements de noms; voir aussi Johannesburg et Soweto (Afrique du Sud) : un peu de repérage pour évoquer la métropolisation en Afrique du Sud

Plus récemment un certain nombre de pays ont unilatéralement décidé de changer de nom (le dernier en date est l’Eswatini ex-Swaziland -voir l’article le Swaziland rebaptisé Eswatini en 2018) mais ce qui est le plus fréquent c’est l’utilisation de langues locales dans la toponymie locale (voir l’article sur le Nunavut ).

La Chine et son pinyin

Le cas de la Chine est particulier. En 1979 la République Populaire de Chine a adopté un système officiel de transcription des noms propres en alphabet latin : le pinyin (pour remplacer les 2 systèmes concurrents mis au point au XIX e siècle par les Français et les Anglais qui faisait que nous écrivions « Changhaï » et les Anglais « Shanghai ». Mais nous étions d’accord sur Pékin, Nankin et Canton (qui étaient les seules villes connues à l’extérieur).

C’est ainsi que les Chinois ont imposé Shanghai, Beijing, Nanjing et Guangdong… ce qui ne nous arrange guère puisque c’est beaucoup plus difficile à prononcer et donc à retenir. Que dirions nous s’il fallait retenir que le grand port de nos voisins belges doit désormais être désigné sous son nom flamand d’Antwerpen et non d’Anvers (sous prétexte qu’on parle le flamand en Flandre) ?

Cet exemple nous montre que nous ne pouvons pas appeler une ville du monde d’aujourd’hui par un nom qui lui a été enlevé pour des raisons géopolitiques : appeler aujourd’hui Kinshasa, Skikda ou Volgograd Léopoldville ou Philippeville ou Stalingrad est une insulte à nos partenaires étrangers comme un rappel à la colonisation ou à un passé qu’ils ont renié.

Par contre transcrire dans notre langue le nom d’une ville étrangère me semble légitime et donc je ne vois pas pourquoi nous devrions cesser d’appeler Pékin et Canton par leur transcription usuelle en français mais continuer à parler de Londres, de Cologne ou de Munich, de Rome ou de Barcelone. OK pour Shanghai ! OK pour tous les noms que nous ignorions avant le pinyin. Comme Shenzhen qui n’existait pas ! Mais, au moins, le chinois est une langue où les noms de lieu n’ont que 2 syllabes (même si certaines sont difficiles à prononcer -ex la province occidentale du Xinjiang où l’on trouve les minorités ouïgoures- et parfois proches donc susceptibles de confusions : Hubei, Hebei, Henan, Hunan, Yunnan…)

Le problèmes des langues agglutinantes et de la mémorisation des toponymes

Le Canada, les États-Unis, l’Australie font aujourd’hui des efforts pour redonner des toponymes autochtones (inuits, amérindiens, aborigènes, polynésiens) après avoir donné des noms anglais.

Le problème est qu’il s’agit souvent de langues agglutinantes (avec donc des noms très longs et beaucoup de « k » dans les langues inuites, de « p » , « f » et « t » dans les langues polynésiennes.

Ainsi comment retenir le nom du nouveau bien mixte classé à Hawaï en 2010 : le « papahanaumokuakea » qui englobe tous les atolls jusqu’à celui de Midway sur une distance de près de 2000 km (voir l’article sur quelques exemples de biens mixtes de l’UNESCO)

cartes des limites du Papahanaumokuakea Marine National Monument bien mixte classé au patrimoine de l’UNESCO depuis 2010

Pour retenir un tel nom à 7 syllabes il faut prendre le temps de le décomposer ce qui est impossible quand ne connaît pas les langues polynésiennes : est-ce : pa-pa-ha-nau-mo-kua-kea ?

Car décomposer un mot en éléments qui ont du sens permet de le retenir, à l’instar de mon mot fétiche de la langue allemande : la célèbre « Schwartzwaldkirschstorte » Schwartz-wald-kirsch-torte (tarte à la cerise de la forêt noire) que nous appelons juste « forêt-noire » en français quand nous allons chez le pâtissier !

Mais on peut apprendre à prononcer Papahanaumokuakea ici (petit fichier mp3 de 16 s). Merci Internet et donc découvrir que mon découpage par syllabes était erroné. Mais devrons-nous faire cela tout le temps ? C’est tellement plus simple d’appeler Cambridge Bay la petite localité située au Nord du Nunavut à 69° LN qui abrite la toute nouvelle Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique inaugurée en 2019 que de retenir qu’on devrait l’appeler Ikaluktutiak de son nom inuit (voir l’article sur le Nunavut)

L’affirmation géopolitique de pays qui changent et veulent le faire savoir : Inde, ex URSS

Au tournant du XXI e siècle ce sont les grandes métropoles ouvertes sur le monde de la République indienne qui ont changé de nom : Mumbai (Bombay), Kolkata (Calcutta), Chennai (Madras). Nous ne connaissions pas vraiment les autres noms… Seule la ville de Benarès au bord du Gange devenue Varanasi.

Par contre ce qui est frappant dans l’Inde d’aujourd’hui c’est la promotion des langues régionales (celles des États) par rapport à l’anglais (langue de la colonisation) et à l’hindi (langue de la plaine du Gange c’est-à-dire du Nord) : celle du bengali (à Kolkata), du gujarati (à Islamabad), du marathi (à Mumbai),du tamoul (à Chennai), du malayalam (au Kérala) ou du kannada (à Bangalore). ce qui me semble paradoxal dans la mesure où les étudiants indiens brillants continuent à faire leurs études en anglais, ont besoin de l’hindi quand ils changent de région d’origine. (voir l’article sur le parcours de Sundar Pichaï )

La Russie et les États issus de l’éclatement de l’URSS se sont débarrassés d’un certain nombre de noms communistes : le plus célèbre est Léningrad redevenue Saint-Pétersbourg mais il faut aussi évoquer Nijni-Novgorod qui avait disparu des radars pendant la période soviétique car devenue Gorki ou Ekaterinbourg (ex Sverdlovsk du nom du bourreau du tsar Nicolas II). (voir l’article sur la Russie une petite introduction)

Le Kazakhstan a fait encore plus en changeant sa capitale : l’ancienne capitale Alma-Ata a été rebaptisée Almaty puis remplacée par une ville qui s’appelle Noursoultan depuis 2019 (en hommage à son chef d’État Noursoultan Nazarbaïev au pouvoir depuis l’Indépendance) qui était devenue capitale en 1998 sous le nom d’Astana. On y perd son latin…

Du Pic Lénine au Pic Abu Ali Ibn Sina, du Pic Staline au pic Ismaïl Samani

Mais on a aussi rebaptisé les sommets comme le Pic Lénine au Tadjikistan rebaptisé en 2006 Abu Ali Ibn Sina. En français ce nom est transcrit en Avicenne. C’est un grand médecin et philosophe persan du Xe-XIe siècle. On ne compte plus le nombre d’hôpitaux et de cliniques nommés Avicenne dans le monde arabe -par exemple le CHU de Rabat mais aussi à Tanger, Marrakech, Casablanca ; en Algérie, Tunisie, Libye, Irak…. et en France (à Bobigny -c’est un hôpital initialement réservé aux musulmans construit après la Première Guerre mondiale- qui est actuellement un grand hôpital de l’APHP confronté de plein fouet à l’épidémie de Covid 19 (puisque la Seine-Saint-Denis est le département français le plus affecté).

Le Pic Staline (7 495 m) dans le Pamir (identifié en 1932) est devenu pic du Communisme (en 1962) puis il rebaptisé pic Ismaïl Samani en 1998 du nom d’Ismaïl Ier, fondateur d’une dynastie perse au IX e siècle qui reprend la région après la conquête arabe.

Un tel nom est donc loin d’être anodin quand il s’agit d’une personnalité historique et ce qu’elle représente.

Baptiser un lieu du nom d’Avicenne représente la nostalgie d’un monde arabo-musulman qui était culturellement à la pointe (et s’est ensuite retrouvé complètement en déclin au XIX e siècle au moment de la colonisation européenne et de l’implosion de l’Empire ottoman).

Baptiser un lieu en Asie Centrale du nom d’un Persan du Moyen Age, c’est signifier au monde arabe (notamment à l’Arabie Saoudite qui fait figure de nouveau riche dans ce monde lié au pétrole) que la culture persane dont les Iraniens d’aujourd’hui sont les héritiers a son rôle à jouer en Asie Centrale.

Le problème des signes diacritiques dans les langues inconnues

Beaucoup de langues dont le français utilisent des signes diacritiques. Nous en avons peu (accents aigu grave et circonflexe uniquement sur certaines voyelles « a,e, u » ; tréma sur le « e » et le « i » et le « ç » (c cédille). C’est déjà assez pénible quand nous devons taper sur un clavier d’ordinateur (pour le tréma et l’accent circonflexe) !

La langue anglaise a un énorme avantage à l’écrit : aucun signe diacritique. Elle a aussi un énorme inconvénient à l’oral : impossible de savoir prononcer correctement un mot écrit tant qu’on ne l’a jamais entendu prononcer (le « chewing-gum » est le grand classique du genre)

D’autres langues ont des quantités de signes que nous savons pas du tout prononcer : mon fameux nom hawaïen imprononçable de Papahanaumokuakea devrait s’écrire Papahānaumokuākea avec 2 traits sur certains a (mais pas tous) !

Les langues les pires dans ce domaine sont les langues scandinaves (comme le nynorsk et le bokmal de Norvège), les langues slaves qui ne s’écrivent pas en alphabet cyrillique (comme le polonais ou le tchèque) mais, bien pire, le turc ou le vietnamien.

Voilà pourquoi il me semblerait raisonnable de ne pas mettre le moindre signe diacritique sur les noms de lieux sauf s’ils sont transcrits en français et qu’on a besoin de rajouter un accent sur le é (et éventuellement un tréma sur le i) comme dans Hawaï) et d’adopter la graphie anglaise (par exemple Vietnam plutôt que Viêt-Nam).

Pour les noms de personnes le problème d’une variante dans la transcription ne se pose que pour les langues qui n’ont pas l’alphabet latin (arabe, farsi, chinois, russe) pour le reste je suggère aussi de ne pas mettre de signe diacritique et tant pis pour le Président Erdogan ( qui devrait avoir un g particulier).

Et les anthropologues et linguistes ?

Eux sont des spécialistes, ils travaillent toujours sur le même terrain et ont donc le temps d’apprendre qu’un « targui » au singulier donne « touareg » au pluriel mais qu’en fait ces nomades du désert ne se désignent pas de cette manière (puisqu’il s’agit de termes arabes) mais plutôt par « Kel Tamajeq » et d’autres dénominations tout aussi obscures quand on ne connait pas leur langue.

Mais laissons les non-spécialistes parler des Touaregs (avec un s) et accorder l’adjectif au masculin comme au féminin sans pinailler. Quand ils feront l’effort de s’intéresser davantage à leur culture, il leur faudra aussi faire l’effort d’entrer un peu dans leur langue. (voir l’article sur Ethnologie et anthropologie où il est question de l’observation participante et de la nécessité pour un anthropologue d’apprendre la langue de l’autre).

Le même phénomène vaut pour les Kanaks de Nouvelle-Calédonie que l’accord de Nouméa de 1998 sur l’autonomie politique et les référendums d’autodétermination rend invariable (pour satisfaire à l’époque les puristes du FLNKS -Front de Libération Nationale Kanak Socialiste- mais que l’usage quotidien dans le journal local en français Les Nouvelles Calédoniennes accorde en genre et en nombre comme c’est l’usage pour un adjectif en français ; kanak, kanake, kanaks, kanakes, un Kanak, des Kanaks,une Kanake, des Kanakes…

Pour conclure provisoirement sur ce thème des noms et des repères.

Il est essentiel que nous soyons conscients que dans le monde d’aujourd’hui si à force de changer les noms par lesquelles nous désignons des choses nous finissons par être incapables de relier notre présent avec le passé, nous perdons le fil de la compréhension.

Nous devons pouvoir facilement avoir en mémoire les noms du monde dans lequel nous vivons, à l’échelle de notre région, de notre pays, de l’Europe et du monde , être capable de les relier entre eux et de le situer sur une carte mais aussi de les relier au passé.

L’invention du GPS n’a pas été faite pour que nous perdions le sens de l’observation et par là de l’orientation mais pour assurer un guidage plus efficace des fusées, satellites et missiles.

Si nous oublions que nous avons besoin d’avoir mémoriser dans notre cerveau une représentation cartographique schématique du monde dans lequel nous vivons avec ses directions, ses distances, ses noms et ses repères nous risquons de graves déconvenues dans le monde réel.

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