L’idée de cet article m’est venue en travaillant sur l’essor du jeu à Macao ces dix dernières années : j’y ai découvert un décor que j’avais l’impression d’avoir déjà vu à Las Vegas… Bingo ! The Venetian est un hôtel-casino présent à la fois à Las Vegas (Nevada) et à Macao et qui appartient au même groupe, le groupe Sands, celui du milliardaire américain Sheldon Adelson.
Mais en cherchant à en savoir davantage, je me suis rendu compte que ce groupe avait bien des raisons de s’appeler « sables » ! Cela m’a fait repenser à une petite nouvelle que j’avais écrite il y a quelques années qui s’intitule justement Le marchand de sables (qu’on retrouve ici) et aux éléments qui me l’avaient inspirée !
D’où l’idée de décrire cet empire financier fondé sur les jeux d’argent et la presse… avec évidemment l’existence d’une Fondation Sands (pour payer moins d’impôts, se justifier en proposant des aides sociales ciblées) (voir le site de Las Vegas Sands Corporation dont les magnifiques photographies de la page d’accueil montrent les différentes réalisations)
Qui est Sheldon Adelson ?
Sheldon Adelson (né en 1933 à Boston) est un milliardaire américain (le magazine Forbes estime sa fortune au 24 e rang mondial. Son groupe Sands possède notamment le Venetian de Las Vegas, le Venetian de Macao, le Marina Bay Sands de Singapour.
Il possède également plusieurs journaux : le Las Vegas Review-Journal ainsi que des journaux israéliens. Il a monté une Fondation en 2007 qui est dirigée par sa femme Miriam Adelson (médecin-chercheur, américano-israélienne).
Adelson l’un des principaux financiers du parti républicain pour la campagne de Trump en 2016 et la campagne actuelle : il aurait proposé 100 millions de $ pour la nouvelle campagne.
Les Adelson font partie des gens qui ont influencé la politique du Président Trump à l’égard d’Israël, transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem en 2017, ce qui est symboliquement une reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.
L’IAC (Israeli American Council) est une ONG américaine fondée en 2007 à Los Angeles qui vise à faire des 250 000 Israélo-américains qui vivent aux États-Unis des liants entre les États-Unis et Israël. On peut donc considérer que cette organisation qui regroupe un certain nombre d’hommes d’affaires juifs fait du lobbying en faveur d’Israël auprès du pouvoir politique américain.
Mais il ne faut arrêter de fantasmer de manière irrationnelle sur les liens entre les Juifs américains et l’État d’Israël. Il existe environ 8 millions de Juifs aux États-Unis, 90% d’entre eux n’ont pas la nationalité israélienne, ce sont juste des citoyens américains, parfois depuis 3 à 4 générations, une grande partie pas du tout religieuse (voir l’article sur les religions aux Etats-Unis).
Même si l’État d’Israël permet à tout Juif qui le souhaite (partout dans le monde) de faire son « alya »-le terme hébreu qui signifie « montée à Jérusalem » c’est-à-dire d’immigrer en Israël-.. peu le font car l’immigration est toujours difficile, de tous temps et partout. (même pour un Juif vers Israël, notamment parce que la plupart de ces Américains ne connaissent pas un mot d’hébreu, qu’il est impossible de vivre en Israël en étant juste anglophone, qu’il n’est pas non plus facile d’apprendre l’hébreu et de trouver du travail là-bas !) (voir par exemple l’article sur les nouvelles « colonies » israéliennes de Cisjordanie).
Une seule chose est certaine, les Juifs américains, comme les autres Juifs, dans le monde s’inquiètent quand la tension internationale monte en Israël et qu’on les considère comme responsables de ce qui se passe au Proche-Orient…
En tout cas il ne faut pas sous-estimer que l’anti-sémitisme actuel continue à être alimenté par un double fantasme : l’idée d’une sorte de lien de « vassalité » entre tous les Juifs du monde et l’État d’Israël et celui de l’existence d’une sorte internationale capitaliste juive contrôlant la finance, le cinéma et les médias. Sheldon Adelson et son concurrent Steve Wynn (grands soutiens de Trump) sont justement des figures qui peuvent alimenter cet état d’esprit fondé sur une forme de jalousie malsaine.
Comment s’est développé le groupe Sands ?
Le groupe Las Vegas Sands est assez récent. Il remonte à 1998, il est coté en bourse et emploie plus 50 000 personnes à travers le monde dans le secteur du jeu et celui de la presse.
Il s’appelle ainsi parce que son propriétaire (Sheldon Adelson) a acheté en 1989 le « Sands Hotel and Casino« , un des hôtels-casinos historiques de Las Vegas (ces hôtels principalement construits dans les années 1950).
Il était situé sur le Strip (ce boulevard le long duquel s’alignent aujourd’hui sur près de 7 km les plus grands hôtels-casinos de Las Vegas depuis le Stratosphere jusqu’au Mandalay Bay en passant par le Mirage).
Le Sands avait été construit en 1952 par un millionnaire texan et comptait 715 chambres. Il avait accueilli des prestigieux artistes (comme Frank Sinatra sur cette photo de 1959). Comme tous les établissements de la ville il portait un nom qui faisait référence à l’univers désertique de Las Vegas et son passé hispanique.
Cette structure en perte de vitesse a été détruite et remplacée en 1999 par le Venetian Resort Hotel-Casino.
En fait 1989 marque d’une certaine manière un tournant dans l’évolution de Las Vegas avec l’ouverture du Mirage de Steve Wynn et l’ouverture à la mondialisation (voir l’article sur Las Vegas).
L’Empire Sands aujourd’hui
Sheldon Adelson a été plus réactif que Steve Wynn quand Macao a mis fin au monopole du jeu détenu par la société historique la Sociedad des Jogos de Macao de Stanley Ho en construisant le Venetian Macao dès 2007 qui est à l’époque le plus grand hôtel casino de Macao.
Voici sur ce tableau simplifié comment s’organise aujourd’hui l’empire du jeu de Sands (qui continue à rivaliser avec les Américains du secteur à Las Vegas -Wynn, MGM et Trump et les Chinois et les Américains à Macao)
Pour conclure sur cet article, il me semble que nous avons beaucoup de soucis à nous faire en Europe aujourd’hui, nous qui possédons « en vrai » ce que les riches du monde mondialisé (et notamment les nouveaux riches d’Asie Orientale) possèdent en tant que décor kitsch mais tout neuf (à La Vegas ou Macao ou même ailleurs en Chine), le jour où tous ces touristes qui sont ont découvert le décor et nous trouvent si romantiques, vont vouloir venir voir à quoi cela ressemble vraiment ! Cela a déjà commencé depuis plus de quinze ans à Paris et à Venise… cela s’est arrêté provisoirement à cause du Covid qui a porté un coup d’arrêt brutal à ces villes de jeu (Macao et Las Vegas) et au tourisme vers l’Europe.
Nous en parlerons dans un autre article. Je crains que nous ne devions nous résoudre à faire comme nous l’avons fait avec la grotte de Lascaux : interdire l’accès à la vraie grotte et créer un décor en bon état qui lui ressemble pour la préserver…
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