Tegucigalpa (Honduras) : petite étude urbaine

Cette capitale (au nom long et difficile à prononcer) d’un petit État d’Amérique Centrale (le Honduras, qu’on est incapable de placer sur une carte dans l’enchevêtrement des petits États d’Amérique centrale), mérite-t-elle qu’on s’y intéresse en tant que géographe ?

Carte de repérage Amérique centrale (CLG 2023)

Est-ce un exemple qui permet d’analyser, d’illustrer, de décortiquer des questions relatives à l’urbanisation, au développement, aux difficultés politiques, économiques et sociales inhérentes à l’Amérique centrale…

Il me semble que oui et notamment parce que, comme ce pays est peu connu, qu’il passe en dessous du radar des médias, on n’est pas influencé par les « marronniers journalistiques ».

La première image proposée par Wikipédia sur Tegucigalpa est cette photographie récente (2021) qui montre une avenue centrale bien entretenue avec 2 complexes d’immeubles modernes mais pas très élevés (une quinzaine d’étages) et à l’arrière plan, dans les collines, une amoncellement de petites maisons d’apparence désordonnée. On est sur un plateau dominé par des montagnes boisées et humides à l’ambiance tropicale.

Effectivement, dès lors qu’on évoque l’urbanisation en Amérique latine avec des élèves ou des étudiants les clichés anxiogènes de pays du Tiers Monde ressortent instantanément : corruption, guerre de gangs, drogue, « favelas » et « barrios », croissance démographique désordonnée, comme si personne ne voulait voir qu’en ce début du XXIe siècle l’Amérique latine (même à Tegucicalpa) avait connu depuis plus d’une génération (avec le phénomène de mondialisation) une modernisation importante qui se lit dans les paysages urbains (et qu’on peut découvrir en « montant » dans la voiture Google ou à travers les photos laissées par les Internautes). (voir l’article Urbanisation et métropolisation en Amérique latine)

Tegucicalpa (et sa jumelle, Comayaguela) : une agglomération de moins 1,5 million d’habitants dans un petit pays de 110 000 km² et de 10 millions d’habitants : le Honduras

On découvre en fait une agglomération double : le « district central » du pays qui réunit 2 communes voisines, à l’Est Tegucigalpa et à l’Ouest Comayaguela, ce qui représente (explique le panneau de 2011) une population de 1,3 million d’habitants (aujourd’hui 1,45 million) Elle est située à environ 1 000 m d’altitude).

Si on cherche d’autres photographies les mêmes impressions reviennent : une ville plutôt horizontale, dominée par les montagnes avec des constructions neuves de bonne hauteur

Vue générale sur Tegucigalpa
Une autre vue de Tegucigalpa montrant l’urbanisation désordonnée qui colonise les pentes.

Une urbanisation limitée au Honduras corrélée à un retard de développement

Si on cherche une estimation plus récente on trouve que l’agglomération fait 1,45 million pour un pays qui en compte un peu plus de 10 millions et dont le taux d’urbanisation reste faible (60 %) à l’échelle de l’Amérique latine. (voir l’article Urbanisation et métropolisation en Amérique latine)

Effectivement le taux d’urbanisation en Amérique latine est supérieur à 80 % (c’est particulièrement net dans les pays de peuplement très récent -Brésil, Uruguay, Argentine (où la présence humaine pré-colombienne était très peu nombreuse).

Cela s’explique par le fait que dans ces plateaux centraux d’Amérique centrale, une agriculture paysanne (qui existait à l’époque précolombienne) a maintenu une population rurale importante car ces hauts plateaux dans les régions tropicales humides constituent initialement des écosystèmes très intéressants pour l’agriculture.

Près de 40 % des actifs travaillent encore dans l’agriculture au Honduras (ce qui est un élément de retard de développement qu’on voit également à travers la valeur de l’IDH qui n’est qu’à 0,623 et fait du Honduras un pays des moins les moins développés en Amérique latine.

C’est à la fois une agriculture vivrière et une agriculture commerciale notamment historiquement de grandes plantations de bananes dominées par l’entreprise américaine United Fruit et exportées via la côte atlantique par le port près de Trujillo (c’est le lieu où a débarqué Christophe Colomb) et le port commercial principal du pays (Port Cortès).

Quelle est la situation de la capitale Tegucigalpa ?

Le Honduras a une configuration particulière qui lui donne un bout de côte sur l’océan Pacifique et un autre beaucoup plus vaste côté Atlantique : la côte des Mosquitos (une forêt humide peu peuplée, peuplée d’Indiens et ultérieurement de pirates et autres flibustiers). La capitale se trouve dans le plateau intérieur, elle est à l’écart de l’axe principal del’Amérique centrale : la route transaméricaine qui passe à Sud près de son port de l’océan Pacifique San Lorenzo reliant les capitales de ses deux voisins ( Managua au Nicaragua et San Salvador au Salvador).

Cartographie CLG 2023

Comment est structurée l’agglomération de Tegucigalpa ?

Comme souvent en Amérique centrale et Andine, la ville actuelle s’est structurée autour d’un poste établi par les Conquistadores espagnols au début du XVIe siècle dans le plateau central où vivait des Amérindiens appartenant à une société précolombienne moins connue que les Aztèques (du plateau central mexicain).

La croissance démographique du XXe siècle a ensuite conduit à une extension en tache d’huile avec progressivement colonisation par des petites maisons auto-construites des pentes. A ce titre elle ressemble à de nombreuses villes d’Amérique latine situées sur les plateaux mais n’a pas l’ampleur des grandes capitales (Bogota, Caracas). (voir aussi l’article Cuzco (Pérou) : une des étapes incontournables du tourisme culturel à l’ère de la mondialisation)

L’agglomération vient de se doter d’un nouvel aéroport international moderne situé à Comayagua (inauguré en 2021) et qui va pouvoir remplacer celui de Toncontin qui était enkysté dans la ville et servira aux vols domestiques sur des appareils plus petits.

Une des difficultés est que la voiture Google ne passe partout (c’est un élément qui permet se rendre compte du niveau de développement et d’ouverture économique : là où il n’y a pas d’argent à se faire ou quand les autorités sont réticentes il n’y a pas de voiture Google) ! Dans les pays en développement la couverture est incomplète, surtout dans les quartiers les plus pauvres et en zone rurale. Ici on ne voit que les grands axes routiers et autoroutiers autour de la capitale.

Était-il possible d’en apprendre davantage sur cette ville inconnue ?

En cherchant un peu on découvre qu’en 2018 à Paris à l’EHESS a été soutenue sous la direction d’Alain Musset (géographe grand spécialiste de l’Amérique centrale) la thèse d’une étudiante (Norma Daniela Navarrete Calix) intitulée Tegucigalpa, laboratoire urbain des modernités au Honduras. XIXe et XXe siècles.

On découvre aussi que le Ministère des finances français a subventionné en 2018 deux « Fasep » (étude de faisabilité) l’une pour développer une station d’épuration, l’autre un système de transport urbain par télécabine (« Teguzcable ») et il s’en justifie en expliquant :

« Les conclusions du Fasep ‘’Teguzcable’’ et la décision des autorités municipales  -avec le soutien et l’impulsion du gouvernement- de mener à bien le nouveau système de transport, pourraient ainsi permettre au Honduras de devenir le premier pays centraméricain à se doter d’un système de transport urbain par télécabine, comme il en existe déjà plusieurs dans la région (Medellin / Colombie, Mexico, Saint Domingue, La Paz / Bolivie, Rio de Janeiro, etc..). D’une longueur d’environ 9 km, celui-ci sera composé, dans un premier temps, de 2 lignes principales avec des stations conçues comme pôles d’échanges multimodaux afin de permettre aux usagers d’optimiser leurs déplacements dans la capitale. Il visera notamment à connecter plus efficacement les villes de Tegucigalpa et de Comayagüe tout en reliant les quartiers les plus périphériques de l’agglomération. Il contribuera à réduire le trafic véhiculaire dans la capitale et donc diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Il apportera une réponse aux nombreuses déficiences en termes de mobilité urbaine qui affectent aujourd’hui le quotidien des Honduriens de la capitale.

A retrouver ici

On a un peu de mal à comprendre pourquoi la France s’intéresserait au Honduras… sauf si on connaît le constructeur grenoblois POMA, spécialiste mondial des remontées mécaniques pour les stations de ski et qui actuellement se développe à l’international sur ce créneau porteur du transport urbain par téléphérique (voir l’article Les stations de skis : des aménagements des années 1970 aux transformations actuelles) et le grand spécialiste mondial de l’assainissement.

3 réflexions sur “Tegucigalpa (Honduras) : petite étude urbaine

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