Le Zambèze avant la Corrèze ?

Un article qui fait écho à un autre sur la Volga et évoque le bassin-versant du Zambèze : parler de partage de l’eau, de barrages et de ponts me semble un détour très intéressant pour faire de la géographie à l’époque de la mondialisation. Car, là où on trouve des ponts et des barrages et surtout quand ils sont récents, là se trouvent les investisseurs du capitalisme d’aujourd’hui, et c’est très intéressant pour le Zambèze, fleuve si mal connu des francophones.

Le titre de cet article fait écho à la formule choc d’un député poujadiste sous la IVe République qui critiquait la politique coloniale française et considérait que la Corrèze devait passer dans les priorités nationales avant le Zambèze… sauf que c’était juste pour la rime car l’empire colonial français n’est jamais arrivé jusqu’au Zambèze !

Le plus grand fleuve d’Afrique australe est le Zambèze.

Le Zambèze et ses aménagements carte CLG
chutes Victoria vues du ciel
Les chutes Victoria sur le Zambèze à la frontière entre la Zambie (ex Rhodésie du Nord) et le Zimbabwe (ex-Rhodésie du Sud), des chutes découvertes par David Livingstone en 1855 ; aujourd’hui classées au patrimoine mondial de l’UNESCO et devenues un site touristique important pour la région. Au premier plan le pont routier et ferroviaire datant de 1905

Le Zambèze est le 4e plus grand fleuve d’Afrique après le Nil, le Congo et le Niger. Comme il ne figure pas sur le podium il est relativement inconnu. Pourtant son bassin-versant représente 1,3 million de km² et sa longueur est loin d’être ridicule (2750 km -c’est plus que 2 fois celle du Rhin). Il prend sa source en Afrique centrale et se jette dans l’océan Indien au Mozambique face à l’île de Madagascar.

La seule image qui lui est associée (mais pas forcément) est celle-ci : les chutes Victoria !

De la source du Zambèze (à la frontière Congo-Zambie) aux chutes Victoria (à la frontière Zimbabwe-Zambèze)

Le Zambèze prend sa source à environ 1500 m d’altitude juste à la frontière entre la Zambie et la République Démocratique du Congo. Il coule d’abord grosso-modo Nord-Sud untout petit peu en Angola puis à travers la Zambie.

Il  forme alors un coude au niveau de la bande de Caprivi (où il est frontalier entre la Namibie et la Zambie) et son cours s’oriente vers l’est où il marque la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe.

Son cours est interrompu par de nombreux rapides dont les spectaculaires chutes Victoria de 1700 m de large et de plus 100 m de haut.

Ce n’est pas un fleuve facilement navigable  comme le Nil, le Congo ou le Niger.

Les Chutes Victoria

Elles tirent leur nom de la reine Victoria (1837-1901) et ce nom leur a été donné par l’explorateur David Livingstone qui les a découvertes en 1855.

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Les chutes Victoria sur le Zambèze : 1700 m de long, plus de 100 m de haut. A gauche le Zimbabwe, à droite la Zambie.

Elles ont une ampleur comparable aux chutes du Niagara (entre les États-Unis et le Canada entre le lac Érié et le lac Ontario) et aux chutes de l’Iguaçu (à la frontière entre le Brésil et l’Argentine). Mais il n’existe ici aucune usine hydroélectrique pour exploiter ce formidable potentiel : la zone est en effet protégée.

Deux parcs nationaux, l’un en Zambie (Mosi-oa-Tunya – 66 km² -datant de 1972), l’autre au Zimbabwe (Victoria Falls National Park – 23 km² -2013) se partagent la zone des chutes. Le site est classé au patrimoine mondial de l’UNESCOdepuis 1989.

Un pont (routier et ferroviaire) sur le Zambèze achevé en 1905 a été construit juste en aval de ces chutes et permet donc de passer de la Zambie au nord au Zimbabwe au sud.

A proximité se trouve la petite ville de Livingstone (Zambie) située à une dizaine de kilomètres en amont des chutes (avec un petit aéroport international).

Cette micro-région frontalière est devenu un haut lieu touristique de luxe ainsi qu’on peut aisément s’en rendre compte en espionnant depuis Google maps : on s’aperçoit que les infrastructures sont plus importantes du côté Zimbabwe en terme d’hôtels, de « lodges », de golfs et que la plupart rivalisent en matière de luxe.

Le  barrage Kariba : un lac et deux centrales hydroélectriques, une en Zambie, une au Zimbabwe

Le fleuve poursuit son cours vers l’est jusqu’au lac Kariba, grand lac artificiel de 280 km de long –c’est le plus grand lac artificiel d’Afrique-. Il s’est formé en 1959 suite à l’édification du barrage Kariba.

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Barrage de Kariba (1959) sur le Zambèze formant frontière entre La Zambie au Nord et le Zimbabwe au Sud

Ce barrage permet à chacun des deux pays riverains –Zambie  depuis 1976 et Zimbabwe depuis 1960- de disposer chacun sur sa rive d’une centrale hydroélectrique.

La centrale zambienne qui était en travaux en 2008 a brûlé et vient d’être reconstruite en 2015 par Alstom.

Là encore il est facile de visualiser ces éléments en allant « espionner » depuis Google maps (le barrage se trouve très logiquement à l’extrémité Est du lac). Le plus visible n’est pas tant les centrales que les énormes transformateurs qu’on trouve à proximité.

On découvre aussi que des activités touristiques (campings, hôtels ) se sont développées au bord du lac Kariba, apparemment plus modestes qu’au niveau des chutes Victoria.

Un projet commun Zambie-Zimbabwe est à l’étude en aval des chutes Victoria (annoncé dans la presse en janvier 2018) la centrale de Batoka Gorge à une centaine de kilomètres en amont du barrage de Kariba. Ce projet verra-t-il le jour ? A revoir dans quinze ans…

Futur site usine hydorélectrique.jpg
Voici à peu près l’emplacement de la future centrale de Batoka Gorge : pour l’instant on ne trouve à proximité qu’un lodge de luxe (côté Zambie) qui existe depuis 1995 et n’offre que 7 chalets aux « happy fews » qui on les moyens de passer des journées autour de 500 $ pour 2 (avion non compris)

Le barrage de Cahora Bassa au Mozambique et sa centrale hydroélectrique, 2e d’Afrique après celle du barrage d’Assouan

Plus en aval on retrouve un autre dispositif du même type mais cette fois-ci au Mozambique : le lac de Cahora Bassa (290 km de long) et le barrage de Cahora Bassa qui sont plus récents (1975) : le barrage est une copie du barrage Hoover sur le Colorado (1936). La puissance de la centrale hydroélectrique associée en fait la 2e d’Afrique après celle du Haut Barrage d’Assouan sur le Nil (mis en service en 1973).

Le projet était initialement un accord important entre l’Afrique du Sud et le Portugal pour fournir de l’électricité à l’Afrique du Sud et développer l’industrie du Mozambique.

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barrage de Cahora Bassa (1975) au Mozambique près de Tete

La difficulté a été liée à l’indépendance du Mozambique en 1975  et les 30 années de guerre qui ont suivi en période de Guerre Froide : le barrage a été saboté par le mouvement ReNaMo en 1980 (aidé par l’Afrique du Sud) qui luttait contre les marxistes du FreLiMo au pouvoir au Mozambique (soutenus eux par l’URSS et Cuba…) (voir l’article sur le Mozambique)

Finalement en 1984 l’exportation de courant a pu reprendre vers l’Afrique du Sud et depuis lors les relations entre les deux pays se sont apaisées.

Le cours inférieur du Zambèze
On retrouve à partir de Tete au Mozambique un fleuve moins impétueux mais plus large où l’on a pu  construire deux ponts : un pont suspendu d’environ 1 km de long (le pont Samora Machel datant de 1973 ) au niveau de cette ville moyenne d’environ 150 000 habitants et un nouveau pont routier au sud (pont Kassuende datant de 2014).

Cette nouvelle infrastructure semble marquer le début du décollage économique du Mozambique.

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Le pont Samora Machel (1973) à Tete (Mozambique) sur le cours inférieur du Zambèze
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le pont Kassuende à Tete (Mozambique) sur le cours inférieur du Zambèze : un nouveau pont routier datant de 2014,  marqueur du décollage économique récent du Mozambique

A partir de là  et sur 650 km le cours inférieur du Mozambique est navigable jusqu’à son embouchure (mais de faible profondeur en saison sèche). On trouve un autre pont important historiquement plus en aval à Mutarara : c’est un pont ferroviaire datant de 1935 (en son temps le plus long pont ferroviaire d’Afrique avec 40 portées et près de 3,5 km de long)

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Le pont Dona Ana (pont ferroviaire de 1935) : pont ferroviaire sur le cours inférieur du Zambèze au Mozambique construit initialement pour exporter les ressources minières du Malawi et du Mozambique jusqu’au port de Beira sur l’océan indien
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Le pont Dona Ana endommagé par la crue du Zambèze en 2000 : il a depuis été remis en état

Plus en aval il existe un autre pont récent près de Caia (le pont Armando Emilio Guebuza datant de 2009 qui fait presque 2,4 km de long et qui porte le nom du Président de la République de l’époque) et plus en aval encore 2 ferries permettent d’assurer le franchissement du fleuve.

La Shire et le lac Malawi

Le Zambèze reçoit sur sa rive gauche la rivière Shire qui est l’émissaire du lac Malawi situé plus au nord.

Le lac Malawi est l’un des très grands lacs naturels d’Afrique (avec le lac Victoria (68 000 km²), le lac Tanganyika (33 000 km²) et le lac Tchad (26 000 km² en saison des pluie). Il couvre presque 30 000 km² (soit la superficie de la Belgique) et s’étend sur 570 km sur 75 km pour sa plus grande largeur.

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Une photo paradisiaque du lac Malawi (30 000 km²) au bord duquel se trouve le petit État du même nom (ex Nyassaland)

Nous en resterons là pour l’instant dans cet article qui et d’abord descriptif d’une région très peu connue : il manque un croquis de synthèse combinant tous les éléments qui ont été décrits et mettant en valeur les lieux où le Zambèze fait frontière et offre des points de passages importants pour les relations économiques et humaines entre les États de la région.

5 réflexions sur “Le Zambèze avant la Corrèze ?

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