Suite aux articles précédents le premier sur les ports de Mombasa (Kenya) et de Dar es Salam (Tanzanie) et les projets portuaires de Lamu (Kenya)- en cours de création et Bagamoyo (Tanzanie) -en voie d’abandon -, j’ai eu envie de me replonger sur un article que j’avais écrit il y a 2 ans sur le port de Casablanca.

Port de Casablanca : capture site Marine Traffic le 7 08 2019
A l’époque où je l’ai écrit (novembre 2017) je venais juste de me remettre à la géographie après plus de quinze ans d’un relatif désintérêt ; je maîtrisais beaucoup moins bien qu’aujourd’hui certains outils pratiques (captures d’écran, « bidouillages » cartographiques) et j’ignorais l’existence de certains sites statistiques très pratiques.
Un instantané du port de Casablanca le 7 août 2019 ?
J’ai donc fait le même petit exercice qu’avec Mombasa et Dar es Salam avec le site de Marine Traffic pour prendre un instantané du port de Casablanca le 7 août 2019.
Pourquoi ce jour-là précisément?
Parce que j’étais en vacances et que j’avais donc 3 h à perdre (?) pour enregistrer et traiter ces données (c’est le temps qu’il faut à peu près).
Est-ce un jour comme les autres dans le trafic du port? Sans doute pas tout à fait… Je soupçonne qu’à cette saison le trafic de céréales vers le Maroc est plus faible qu’à d’autres (parce qu’à La Rochelle grand port français exportateur de céréales, il semble y avoir moins de mouvements en ce moment… mais tout cela devrait être vérifié plus sérieusement).
Bref analyser le trafic sur 1 journée est aisé et permet de tirer quelques enseignements qu’il faudrait approfondir par une analyse plus précise si l’on cherchait à faire autre chose que trouver une manière concrète d’appréhender la mondialisation à travers le transport de marchandises par voie maritime.
Sur l’image précédente les losanges correspondent aux navires à quai, ceux qui sont en forme de flèche sont en mouvement. La couleur permet de distinguer les pétroliers (rouge) des verts (cargos, porte-conteneurs, vraquiers (« bulk carriers »), rouliers (« Ro-ro »), des bleus (les remorqueurs et les vedettes de pilotage).
L’organisation du port de Casablanca
L’article de 2017 avait été illustré par ce petit schéma imprécis mais qui aide à comprendre l’image précédente.
Et voici donc les navires de commerce présents dans le port de Casablanca :
Si on analyse cette liste on constate tout d’abord qu’il n’y a pas de rouliers ce jour-là (or l’on sait qu’il y a des lignes de ce type à Casablanca… Effectivement le lendemain un roulier qui assure la liaison avec Lisbonne est à quai !
On retrouve sans surprise une grande majorité de navires immatriculés dans des paradis fiscaux d’Amérique (Panama, Antigua, Bahamas), du Pacifique (Marshall), d’Europe (Malte, Grèce) et d’Afrique (Liberia).
Ce qui est plus original est découvrir la provenance et/ou destination lointaine et peu connue de certains navires.
On ne peut pas savoir quelles sont précisément les lignes des porte-conteneurs, même si quand on porte le nom d’Abidjan Express, qu’on vient de Hambourg et qu’on fait escale à Casablanca, on peut supposer qu’on dessert une ligne Northern Range/Côte d’Ivoire avec sans doute une escale à Dakar.
(Précisons que les géographes appellent « Northern Range » la façade maritime mer du Nord/Manche de l’Europe le long de laquelle on trouve une succession de ports actifs -Southampton, London Gateway, Felixstowe, Tilbury, Le Havre, Dunkerque, Anvers, Rotterdam, Bremerhaven, Hambourg).
De la même façon le Hansa Rotenburg avec son nom qui évoque la Hanse (cette ligue maritime au Moyen âge qui allait de la Baltique à la mer du Nord) suggère qu’il dessert aussi une ligne Northern Range/Afrique : son escale à Porto au Nord du Portugal suggère qu’en fait les porte-conteneurs font beaucoup d’escales (ce qui est rendu efficace par les terminaux modernes qu’on trouve aujourd’hui dans les grands ports modernes comme Casablanca).
Voilà pourquoi ceux qui fantasment un peu vite sur l’ouverture de nouvelles routes maritimes dans le Grand Nord du fait du réchauffement climatique n’ont pas compris qu’elles ont un énorme défaut : elles ne permettent aucune escale puisqu’il n’y a pas d’habitants à desservir sur le chemin ! Or les escales permettent de rentabiliser au mieux le chargement d’un navire, surtout quand elle sont optimisées parce que les terminaux porte-conteneurs sont modernes et efficaces.
Ce tableau permet de découvrir quelques fournisseurs et les clients du port de Casablanca en matières premières minérales et agricoles.
Ainsi le vraquier britannique Resolute Bay arrive de Russie, et plus précisément d’un port sur la mer Blanche près de Mourmansk où l’on trouve un terminal charbonnier comme le montre la capture d’écran suivante.

Le terminal charbonnier de Kandalaskha (oblast de Mourmansk)
Deux autres vraquiers immatriculés aux îles Marshall arrivent de Mariupol en Ukraine : c’est un port sur la mer d’Azov près de Donestk (dans la grande région industrielle d’Ukraine). On peut supposer qu’ils importent des produits sidérurgiques (qui seront transformés au Maroc) et/ou du fer à béton.

Mariupol (Ukraine), à gauche le port, au centre un immense complexe sidérurgique (Azovstal)
On voit aussi 3 vraquiers dont la destination est l’Amérique latine : l’un va à Veracruz (qui est le principal port du Mexique), l’autre à Rosario en Argentine, qui se situe sur le Parana au fond du Rio de la Plata et où l’on trouve une très grosse usine d’engrais (Cargill), le troisième à San Lorenzo (situé quelques kilomètres plus en amont). Apparemment c’est une des destinations des phosphates marocains.

Le port de Rosario (Argentine), au bord du Parana
La flottille de port de Casablanca
Enfin, comme on l’a montré à propos des ports de Mombasa et Dar es Salam, il existe dans un port une flottille qui ne s’en éloigne pas : c’est le cas à Casablanca des trois vedettes de pilotage, des 9 remorqueurs (dont un en réparation semble-t-il).
C’est aussi le cas des 2 dragues et des 3 barges de transport de produits de dragage et d’une grue flottante (on a expliqué qu’il y a eu récemment de gros travaux à Casablanca pour l’installation du nouveau port de pêche).
Enfin le site de Marine Traffic note la présence de deux navires militaires, un marocain et un de l’OTAN (appartenant à l’Espagne).
Pour conclure sur une petite note personnelle : ce qui me plait et m’a toujours plu dans les ports, c’est de connaître les lieux d’où proviennent les marchandises que les navires transportent et leurs destination ! Cela me rappelle mes ballades d’enfants sur le port de Cherbourg… Cet intérêt pour les toponymes leur localisation, ce qu’ils signifient et les réalités qu’ils représentent est également la base de la géographie.
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