Londres, capitale du Royaume Uni et plus grande place financière d’Europe. Elle constitue un exemple tout à fait intéressant pour aborder la notion de ville-mondiale et celle de métropolisation.


Londres est historiquement la première ville au monde à pouvoir rentrer dans cette catégorie de « ville-mondiale » même si, à la fin du XIX e siècle, les termes de « mondialisation » et « ville-mondiale » n’étaient pas utilisés. On pouvait simplement écrire à l’époque que le Royaume Uni était la première puissance économique mondiale, qu’elle disposait du plus grand empire colonial au monde (30 millions de km²) et contrôlait les mers. Il en résultait que sa capitale Londres était la ville la plus peuplée et la plus active au monde avec un port majeur d’où arrivaient et partaient des marchandises du monde entier.
On peut donc essayer de comprendre comment cette ville anglaise a progressivement vu émerger tous les éléments qui peuvent caractériser aujourd’hui une ville mondiale, et notamment la concentration d’activités tertiaires dans un quartier qu’on appelle CBD (Central Business District).
Quelle est la situation de Londres ?
Londres se situe au Sud-Est de l’Angleterre à une centaine de kilomètres du détroit du Pas de Calais (Douvres au Sud-Est), une centaine de kilomètres du port de Southampton protégé par l’île de Wight (au Sud-Ouest) et seulement 70 km du littoral au Sud (la station balnéaire de Brighton).


Londres se situe dans un bassin sédimentaire traversé par un fleuve tranquille : la Tamise, qui coule d’Ouest en Est sur un peu plus de 300 km, passe par la célèbre ville universitaire d’Oxford (où les étudiants font de l’aviron et des tours en barque avec leur perche et leur canotier !) puis par Londres avant de se jeter par un estuaire dans la mer du Nord.
L’ennui de cette configuration c’est que les terrains proches de l’estuaire sont potentiellement inondables. La prise de conscience en a été faite après la terrible tempête de 1953 qui a ravagé les Pays-Bas et la côte est de l’Angleterre faisant de très nombreuses victimes. Voilà pourquoi on a créé sur la Tamise ces barrières de marée qui servent à empêcher en cas de tempête et de marée haute à la marée de remonter jusqu’au centre de Londres : elles se situent juste en aval du nouveau CBD de Canary Wharf.

Quel est le site initial de Londres ?
Londres est une ville dès l’époque où la Bretagne devient romaine : la cité de Londinium est fondée en 43 après JC . Elle se trouve précisément au fond de l’estuaire de la Tamise, là où la marée ne se fait plus sentir et où l’on peut construire un pont de pierre : le pont de Londres (vers 60 ap. JC) (le London Bridge).


Notons que de nombreuses villes européennes ont choisi ces sites de fond d’estuaire, très avantageux au Moyen Age puisque cela permet aux navires d’atteindre le cœur du continent : on peut citer dans ce cas Hambourg, Brême, Anvers, Rouen, Nantes et Bordeaux. Plus tard en Amérique du Nord les implantations ont suivi la même logique : Québec puis Montréal ; Philadelphie et Baltimore ). Aujourd’hui tous leurs ports sont déplacés vers l’aval tout comme celui de Londres pour gagner du temps et permettre à des navires plus grands de charger et décharger.
Londres : une cité commerçante sur la rive gauche de la Tamise qui s’organise à l’instar des autres villes marchandes médiévales
La ville connaît une éclipse à la fin de l’époque romaine puis une cité marchande prospère se développe au Moyen Age sur le même emplacement sur la rive gauche : la City dirigée par son Lord Maire (qui siège au « Guildhall », ce qui signifie le bâtiment de la Guilde bref l’hôtel de ville).


Le siège initial du pouvoir royal à proximité de la City
La City se trouve en amont du Tower Bridge qui se trouve justement à côté du palais royal de l’époque médiévale : la Tour de Londres (Tower of London).
La Tour de Londres est cette forteresse construite après la conquête de l’Angleterre en 1066 par Guillaume de Normandie (dit le Conquérant) qui s’installe à Londres avec sa noblesse de grands barons normands. Elle a servi de résidence royale puis de prison, quand à la fin du XV e siècle les monarques Tudor s’installent au palais de Whitehall près de Westminster. Elle abrite aujourd’hui les joyaux de la Couronne (c’est donc un site touristique majeur à Londres).

Les fonctions politiques et symboliques concentrées dans le quartier de Westminster
À partir de l’époque moderne le pouvoir royal va devoir compter sur le rôle du Parlement qui s’installe à Westminster où se trouve l’abbaye de Westminster (où sont couronnés et enterrés les souverains britanniques depuis Guillaume Le Conquérant). L’on y trouve aussi les tombes ou des plaques commémoratives des Britanniques les plus renommés : hommes de sciences (Newton, Darwin) comme hommes politiques (Churchill) ainsi que la tombe du soldat inconnu (c’est donc un autre site touristique majeur à Londres).

Une rupture majeure pour Londres au XVIIe liée à la peste (1665) et au grand incendie (1666)
Dans l’histoire de Londres les années 1665 et 1666 représentent un traumatisme majeur. Elle sont en effet successivement marquée par le retour d’une grave épidémie de peste qui fait environ 70 000 morts à Londres soit 20 % puis un terrible incendie qui ravage la City ainsi que le représente ce tableau peint quelques années plus tard par un inconnu qui montre le London bridge en flammes : la ville est en bois comme les villes de l’époque et le feu se propage à grande vitesse.

La fonction religieuse de Londres : Saint-Paul
La ville va donc devoir être reconstruite au XVIIe siècle et se dote d’une nouvelle cathédrale très atypique pour l’Angleterre : la nouvelle cathédrale Saint-Paul de Sir Wren avec son plan en croix grecque et son dôme rappelant celui de Saint-Pierre-de-Rome.
Précisons qu’il s’agit d’une cathédrale « anglicane », l’Angleterre ayant rompu avec la Papauté en 1534 (à l’époque d’Henri VIII au XVIe ) et ayant une église étatique, l’Église anglicane (dont l’archevêque de Canterbury est le chef). Elle a un rituel très proche du rituel catholique mais autorise le mariage des prêtres et ordonne des femmes (par exemple l’actuelle évêque de Londres en poste dans cette cathédrale Saint Paul est une femme depuis 2018).
La concentration des fonctions politiques d’une capitale dans le quartier de Westminster
Les trois éléments majeurs du pouvoir politique britannique sont
- le souverain (qui règne mais ne gouverne pas et est gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre – sur laquelle il exerce une autorité théorique-)
- le Premier Ministre qui gouverne, est nommé par le Souverain en fonction du résultat des élections à la Chambre des Communes : il est le chef du parti qui a gagné les élections ; il est responsable devant la Chambre des Communes
- enfin le Parlement composé de deux Chambres, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes.
Le monarque réside à Buckingham Palace. Du XVI e siècle jusqu’à la fin du XVIIe siècle il résidait dans la palais de Whitehall qui a brûlé en 1698 (voir l’article sur Le navigateur Sir Francis Drake dont le récit de voyage autour du monde a été perdu dans cet incendie).
Le Premier Ministre réside au 10, Downing Street.



Les fonctions culturelles et commerciales sur la rive gauche
C’est également dans ce quartier situé sur la rive gauche de la Tamise au sud-est de la cité que se développent au XIX e siècle les grands équipements culturels : salles de spectacles (ex. Albert Hall pour les concerts classiques), musées (British Museum, National Gallery), les grands magasins (Harrods) et l’Université de Londres (qui ne date que de 1836 -les autres institutions universitaires étant beaucoup plus anciennes et localisées ailleurs, à Oxford (1167), Cambridge (1209).


Autre capture d’écran sur Google maps (à retravailler) pour faire ressortir les éléments de la fonction économique (City), politique (Westminster) et culturelle (quartiers de rive gauche à l’Ouest de la City) où l’on trouve les musées, les salles de spectacle, l’Université de Londres
L’essor de Londres au XIX e siècle : activité de la City, extension et taudification de l’East End
Le quartier de la City va progressivement se transformer à partir du XIX e siècle, là où se développent des activités tertiaires liées à la présence de la Bourse : le Stock Exchange (qui date de 1801), d’un très grands nombre de bureaux qui organisent toutes les activités commerciales liées au pouvoir et notamment les questions d’assurance maritime : la développement du premier système de réassurance maritime : la Lloyds of London (Il date de 1688 mais se modernise en 1871).

Ce quartier de la City va se transformer du XIX e siècle jusqu’aux années 1980, les immeubles victoriens étant progressivement détruits pour être remplacés par des buildings. Mais le manque de place de ce CBD historique explique qu’à Londres on ait construit deux autres quartiers d’affaires : Canary Wharf dans les années 1980 sur d’anciens docks London Bridge Quarter (de l’autre côté de la Tamise face à la City) dans les années 2000.
Les quartiers portuaires de l’East End au XIX e siècle
Quand L’Angleterre devient au XIX e siècle le premier pays à s’industrialiser, le port de Londres se développe considérablement surtout sur la rive gauche de la Tamise à l’Est du Tower Bridge dans ce qu’on appelle « l’East End » où l’on trouve des taudis horribles, bien décrits par le romancier Charles Dickens (1812-1870) (auteur notamment de deux romans parus en épisodes Oliver Twist (1837-1839) et de David Copperfield (1851-1852), deux romans qui décrivent la vie misérable de deux enfants).
La récupération progressives des quartiers industriels et portuaires proches de la City
À la fin du XXe siècle, au fur et à mesure que la taille des navires augmente, les quartiers les plus proches de la City (ce qu’on appelait au XIX e siècle « l’East End » -sous entendu la banlieue Est-) sont récupérés pour être affectés à d’autres usages.
C’est le cas de celui de Saint Catherine’s Docks, très proche du Tower Bridge qui a été transformé en marina. L’activité portuaire y avait cessé en 1968, de nouveaux bâtiments ont été construits au début des années 1990 formant une sorte de marina. La précocité de cette opération de rénovation à Londres en fait un des quartiers les plus emblématiques des phénomènes de gentrification (qu’on peut également décrire à New-York de la même manière dans l’ancien quartier portuaire de Brooklyn)

L’on a ensuité créé un nouveau CBD plus en aval dans une boucle de la Tamise (isle of dogs) : Canary Wharf (40 hectares d’immeubles de bureaux)

On a continué ce grand chantier de restructuration de l’Est londonien avec l’immense chantier lancé pour les Jeux Olympiques de 2012 ainsi que le montre la photographie ci-dessous

Londres au confrontée dès le XIX e siècle aux problèmes de toutes les métropoles d’aujourd’hui : chemin de fer, métro, électricité, eau potable, égouts,…
Londres est la première grande ville du monde à avoir eu à trouver des solutions aux problèmes logistiques qui se posent aujourd’hui à toutes les métropoles des pays développées comme des pays émergents : sécurité, ravitaillement, gestion de l’eau, arrivée du gaz et de l’électricité, organisation de transports urbains et liaisons avec l’extérieur.
Au XIXe elle est la première ville à se doter de gares à la fois au Sud de la Tamise (Waterloo Station, London Bridge) et au nord (Kings Cross, Saint Pancras).

Londres est aussi la première ville du monde à se doter d’un réseau de métro (la première ligne est inaugurée en 1863) qui dessert d’abord le centre puis progressivement toute l’agglomération

Les ports de Londres : d’un port de fond d’estuaire proche de la City aux divers terminaux d’aujourd’hui
De nouveaux terminaux ont été construits en aval à côté de Tilbury : celui de Gateway. Un nouveau terminal porte-conteneurs est également installé au Nord de l’Est près d’Ipswich à Felixstowe.
Ainsi, le port de Londres présente des installations très dispersées (le long de la Tamise jusqu’aux barrières de marée) ; l’agglomération est également desservie par le port de Southampton au Sud du pays.


Ce phénomène est visible dans de nombreuses villes portuaires de fond d’estuaire que ce soit à une échelle plus modeste (ex. le port de Bordeaux), à une échelle similaire (ex. les ports de la Côte Est des États-Unis notamment Philadelphie qui se dotent de nouveaux terminaux vers l’aval) ou à une échelle encore plus spectaculaire (les ports de Shanghai).
Une partie des marchandises pour l’aire urbaine de Londres et plus largement le Royaume Uni peut également être chargée ou déchargée au port de Southampton. Mais n’oublions pas non plus que les liaisons car-ferries très importantes à travers la Manche et le tunnel ferroviaire sous la Manche (emprunté à la fois par des trains de passagers -l’Eurostar-, des convois de voiture et des convois de camions en ferroutage (voir l’article sur le tunnel sous la Manche).
La proximité de Londres avec le cœur de l’Europe et les autres grands ports du Northern Range explique son excellente accessibilité (malgré l’obstacle que représente la traversée de la Manche)

La question du transport aérien à Londres
Londres dispose de 4 aéroports, le principal étant celui d’Heathrow, à l’Ouest de la ville dont le trafic est d’environ 90 millions de passagers par an et qui est le plus actif d’Europe (celui de Roissy avec 70 millions de passagers est juste derrière). Il est question de construire une 3e piste
Il sert de plaque tournante entre l’Europe et le reste du monde (on parle de « Hub« ).
A l’inverse, les autres aéroports sont davantage des aéroports qui desservent l’Europe (et notamment des aéroports pour des vols ou des destinations low cost) : c’est le cas de Gatwick et de Stansted.
La question de l’étalement urbain et des inégalités socio-spatiales à Londres
L’aire urbaine de Londres représente une population d’environ 14 millions d’habitants (ce qui est légèrement supérieur à celle de Paris -environ 12 millions d’habitants-) mais en attendant ces deux villes-mondiales sont confrontées aux mêmes types de problèmes propres aux très grandes villes des pays industrialisés : celui du transport urbain, celui du logement et notamment des très grandes inégalités socio-spatiales entre quartiers très huppés et quartiers difficiles où se concentre une population en partie immigrée qui, dans une ville mondiale comme Londres, vient du monde entier (il en sera question dans un autre article).
Je n’ai pas non plus évoqué la question des espaces verts et des villes-nouvelles crées dans les années 1950.
Voir à titre de comparaison l’article sur Séoul , autre métropole mais dont le développement est beaucoup plus récent et dont l’aire urubaine représente environ 25 millions d’habitants.
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