Frontex et l’espace Schengen : un petit point sur le franchissement des frontières de l’U.E.

Un article factuel qui fait le point sur des éléments de vocabulaire et de réglementation importants à connaître et comprendre dans le cadre de cette question sur l’U.E. et les territoires. Il reprend un certain nombre d’articles de ce blog plus anciens (avec plus de texte et moins d’illustrations)

Frontières extérieures et frontières intérieures de l’U.E. ?

Dans le projet européen il y avait d’abord l’idée d’une libre circulation des marchandises sans droits de douane puis progressivement le projet devient plus ambitieux avec l’idée d’une libre circulation des hommes entre pays-membres.

C’est un des objectifs de la Convention signée à Schengen au Luxembourg en 1985 qui définit un « espace Schengen » au sein duquel on peut supprimer les contrôles d’identité aux frontières puisqu’à l’entrée dans cet espace un individu a dû passer un contrôle d’identité (et présenter un passeport et un visa si on l’exige compte tenu de sa nationalité).

Où se trouve Schengen ?

Schengen est une localité du Luxembourg située sur la Moselle (à la frontière avec l’Allemagne et la France), où a été signée en 1985 une convention sur la circulation des personnes entre 5 pays (France, Allemagne et les 3 pays du Benelux -Belgique, Pays-Bas et Luxembourg).

Ce lieu est symbolique pour signer un accord sur le contrôle d’identité aux frontières puisque c’est un lieu où d’une part l’on se trouve à la frontière de 3 pays (on parle d’un « tripoint » au Sud-Est du Luxembourg) et d’autre part il existe dans cette région une main-d’œuvre transfrontalière très importante qui passe la frontière matin et soir surtout pour aller travailler dans la principauté du Luxembourg.

Un autre lieu symbolique du même genre est Maastricht (où a été signé le traité du même nom en 1992) qui se trouve aux Pays Bas, enclave néerlandaise coincée entre l’Allemagne et la Belgique au bord de la Meuse -qui se dit Maas- en néerlandais). (voir aussi l’article Les lieux de pouvoir dans l’Union Européenne)

Quelles sont les limites actuelles de l’espace Schengen ?

Cette convention a ensuite été élargie à d’autres pays si bien qu’aujourd’hui « l’espace Schengen » rassemble aujourd’hui 27 pays d’Europe entre lesquels on peut circuler sans passeport (si l’on en est un ressortissant) et avec un visa unique (si l’on veut y pénétrer) et qui ont une politique commune de contrôle de l’immigration.

Mais ce qui est compliqué c’est que s’il y a bien 27 membres dans l’U.E. et 27 membres dans l’espace Schengen ce ne sont pas tout à fait les mêmes : il est assez facile de comprendre et de retenir pourquoi.

Voir aussi l’article Les frontières internes et externes de l’Union Européenne

Les phases de constructions de l’Union Européenne à 28

Qu’est-ce que « Frontex » ?

L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (en anglais : European Border and Coast Guard ou EBCG) est l’agence de l’Union européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de « l’espace Schengen ». Son siège est à Varsovie. Elle date de 2004. elle s’appelait alors juste « Frontex » (contraction de Frontières extérieures). Son rôle s’est transformé et précisé en 2016. Elle dispose d’un site dans les 24 langues de travail de l’U.E. Elle emploie 1 500 personnes des différentes nationalités concernées. ( (voir Frontex : un corps de garde-côtes et de garde-frontières pour l’espace Schengen).

Par conséquent il n’existe plus de contrôle d’identité quand on circule en voiture à travers l’espace Schengen… (sauf en cas de menace terroriste renforcée). Pour autant comment se présente une frontière dans l’Union Européenne ?

Comment se présente un poste-frontière entre deux pays de l’Espace Schengen ?

Le passage d’une frontière s’y matérialise juste par un changement de signalisation routière (un panneau concernant les limitations de vitesse) et éventuellement la présence d’un ancien poste-frontière sans personnel hérité d’une période antérieure. En cas de crise (terrorisme, enlèvement d’enfant, trafic de drogue et il est possible de remettre un barrage filtrant avec selon les cas des douaniers, des policiers voire des unités particulières).

Comment se présentent les postes-frontières à l’entrée dans l’espace Schengen ?

De très nombreux postes-frontières tout neufs qui ont été en partie financés avec l’argent de l’U.E. On y a à la fois un contrôle d’identité et un contrôle des marchandises. Les camions sont très nombreux sur les grands axes autoroutiers qui traversent l’Europe de part en part avec d’immenses parkings de stockage des camions.

Les aéroports internationaux points d’entrée privilégiés dans l’espace Schengen

Mais l’entrée dans l’espace Schengen se fait également massivement dans les aéroports internationaux. Les contrôles d’identité y sont particulièrement pointilleux pour les visiteurs hors Schengen mais aussi à cause de la menace terroriste (depuis les attentats du 11 septembre 2001) qui a poussé à exiger des passeports biométriques beaucoup plus difficilement falsifiables.

Un certain nombre de cabines automatiques de contrôle d’identité ont été mises en place dans les grands aéroports (par exemple à Roissy) ne nécessitant pas la présence directe d’un policier.

Ces aéroports internationaux recèlent des zones de transit où sont confinés certains passagers hors Schengen qui attendent une correspondance et ne doivent pas être mélangés avec les passagers qui repartent sur des destinations Schengen. On y trouve aussi des centres d’hébergement pour les passagers qui ne sont pas en règle et non autorisés à pénétrer dans l’espace Schengen.

Les frontières maritimes

Le contrôle d’identité aux frontières maritimes existe également : tout navire qui arrive dans un port doit se signaler aux autorités et ses passagers n’ont le droit de débarquer qu’après avoir été soumis à un contrôle d’identité. C’est le cas des équipages des navires de commerce, des plaisanciers et des croisiéristes.

Conclusion ?

Cette petite présentation sur les frontières de l’Europe et de leur fonctionnement peut nous pousser à réfléchir. Est-il légitime que l’Union Européenne tente de garder ses frontières extérieures et d’arrêter les gens qui tenteraient de les franchir illégalement (sans passer par les postes-frontières obligatoires et sans documents en règle) ? Les autres pays du monde ne font-ils pas la même chose et de manière parfois beaucoup plus dure ?

De manière assez paradoxale, la perception de ces migrations illégales vers l’U.E. est très polémique : une partie des classes relativement aisées trouvent cruel de fermer nos frontières à de pauvres gens qui ont fui leur pays, au péril de leur vie, et tentent de s’introduire dans l’Union Européenne en ayant payé des sommes monumentales à des passeurs douteux, au motif que l’Europe est prospère et en paix, qu’elle a des régimes politiques démocratiques qui fonctionnent à peu près correctement et, en tout cas, qui doivent rendre compte de leurs manquements. Ce n’est pas le cas dans leur pays d’origine.

Les lieux les plus utilisés (et les plus médiatisés) pour tenter d’entrer illégalement dans l’Union Européenne et où se passent ces drames humains ont évolué depuis plus de vingt ans : il est désormais impossible de traverser le détroit de Gibraltar avec une bouée (trop de contrôles) ; les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc sont barricadées de barrières. Il reste un trajet maritime possible entre la côte mauritanienne et l’archipel des Canaries, entre la Libye et l’île italienne de Lampedusa (au large de la Sicile). Mais le passage le plus court se trouve entre la côte turque et les îles grecques toutes proches.

Mais il existe un autre point de tension à l’intérieur de l’Europe : la traversée de la Manche pour tenter d’entrer au Royaume Uni : les abords du tunnel sous la Manche près de Calais ont vu leur sécurité renforcée et le démantèlement successivement d’un centre d’accueil à Sangatte puis de la « jungle » de Calais (campement illégal dans la dune), ce qui n’a pas stoppé les tentatives de traversée qui se font maintenant également en bateau. (voir l’article Le tunnel sous la Manche : une infrastructure unique au monde ?)

L’une des difficultés majeures est que les pays et les régions où transitent ces migrants clandestins sont des lieux où, d’une part, ces migrants n’ont pas l’intention de rester et, d’autre part, dont les habitants deviennent parfois indifférents à de telles situations qui les dépassent (voire exploitent les migrants).

Par ailleurs il ne faut pas oublier qu’une proportion considérable des étrangers en situation d’illégalité (c’est également le cas aux Etats-Unis) dont on parle beaucoup moins dans les médias est entrée légalement sur le territoire de l’U.E. mais avec un visa de courte durée (pour des raisons touristiques ou d’études par exemple). Ils ne sont pas repartis. C’est aussi ce qui limite considérablement l’attribution de visas de tourisme à des ressortissants issus de pays en voie de développement et qui n’offrent pas de garanties suffisantes (jeunes, sans attache, sans formation).

Cette situation nous place en tant qu’Européens face à un dilemme moral : ne pas accepter ces migrants est contraire à nos valeurs morales (imprégnées des droits de l’homme).

D’un autre côté accepter, sans que nous en fixions les conditions, l’entrée d’étrangers qui ne connaissent pas nos langues, nos modes de vie et nos valeurs, qui viennent d’un monde rural en voie de développement, c’est prendre un risque de déstabiliser nos sociétés qui sont déjà très diverses et secouées par la mondialisation (voir Individualisme et systèmes démocratiques en Europe aujourd’hui

Certains estiment qu’il nous faudrait développer une politique plus ouverte de visas courts pour le travail, éventuellement sans possibilité de rapprochement familial. Mais ce n’est pas la panacée.

4 réflexions sur “Frontex et l’espace Schengen : un petit point sur le franchissement des frontières de l’U.E.

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