Les Philippines : une petite introduction

Les Philippines sont un des trois grands États-archipels d’Asie avec le Japon et l’Indonésie. C’est un pays peu connu et peu étudié dans nos programmes scolaires mais dont l’histoire, la géographie et la géopolitique sont passionnantes.

Cartographie CLG 2021

Avec 300 000 km², l’archipel des Philippines a une superficie équivalente à celle de l’Italie ou du Vietnam ; il est juste un peu plus petit que le Japon. Sa population est de 108 millions d’habitants, d’où une densité moyenne de 330 hab/km².

L’archipel compte environ 7 000 îles dont les 11 îles principales concentrent 96 % du territoire et de la population.  Il s’étend dans la zone intertropicale  sur 1 850 km du Nord au Sud. L’île la plus septentrionale se situe à  seulement 150 km au sud de l’île de Taïwan (traversée par le tropique du Cancer) et l’île la plus méridionale est à environ 5° de latitude nord.

Cette position en latitude explique l’alternance au cours de l’année du système des vents. C’est le phénomène de la « mousson » : de décembre à mai,  des vents du Nord-est relativement peu humides ;  de fin mai à novembre des vents du Sud-ouest très fortement chargés d’humidité apportant des cumuls d’eau considérables. C’est donc pendant cette période que surviennent des « typhons » (c’est le nom qu’on donne usuellement en Asie orientale aux cyclones tropicaux) très meurtriers dans cette région.

Cartographie CLG 2021 (fond de carte relief Wikipédia)

L’archipel  philippin est un archipel montagneux et volcanique situé sur ce qu’on appelle la « ceinture de feu du Pacifique » dont les points culminants ont  un peu moins de 3 000 m d’altitude. Il compte plusieurs volcans actifs dont le Pinatubo à une centaine de kilomètres au nord-ouest de la capitale Manille (qui a connu une éruption catastrophique en 1991) ou le Mont Mayon. Le risque sismique est également très élevé.

L’éruption du Pinatubo (stratovolcan de près de 1500 m d’altitude situé sur l’île de Luçon,entré en éruption entre juin et septembre 1991 après 500 ans de calme (moins de 1000 morts car l’évacuation a été efficace dans cette région pourtant très peuplée)

L’archipel  présente 3 parties à peu près égales en superficie d’environ 100 000 km² chacune :

  • au Nord l’île de Luçon  où se trouve la capitale Manille, mégapole de 16 millions d’habitants (pour l’aire urbaine, île  où la densité est très élevée : plus de 450 hab/km²  (ce qui est la même densité que sur l’île principale du Japon, Honshu)
  • l’archipel des Visayas au centre dont l’île la plus connue est Cebu (c’est à proximité de cette île que Magellan fut tué en 1521) (voir l’article Circumnavigation 1 Magellan). Sur cette petite île la densité atteint plus de 800 hab/km² (on s’approche ici des densités présentes sur l’île indonésienne de Java (1 000 hab/km²).
  • au Sud l’île de Mindanao dont les densités restent plus faibles où se trouve la ville de Davao.

La croissance démographique reste importante aux Philippines : 2,1 millions de naissances par an environ. Effectivement l’indice de fécondité est élevé par rapport à la plupart des pays émergents d’Asie du Sud et de l’Est avec 2,5 enfants/femme (contre par exemple 1,5 pour la Thaïlande) : on observe encore beaucoup de grossesses de jeunes femmes, peu de contraception à cause du poids du catholicisme. Effectivement les Philippines sont des plus grands pays catholiques du monde (avec le Brésil -sauf qu’au Brésil le catholicisme est mis en difficulté par des mouvements protestants évangéliques- alors qu’aux Philippines le catholicisme est vraiment un puissant lien culturel.

Vue aérienne du parc Rizal qui est le coeur symbolique de Manille près du port; là où sont organisées les cérémonies officielles à l’occasion de la messe célébrée le 18 janvier 2015 par le Pape François (rassemblant 6 millions de personnes) (voir l’article une petite géopolitique du Pape François)

La double colonisation, espagnole du XVI e siècle à la fin du XIX e siècle puis américaine explique l’originalité du pays par rapport aux autres pays de l’Asie du Sud-est.

Magellan arrive à Cebu dès 1521 où il est tué. L’archipel est baptisé Philippines en 1543 (en hommage au roi d’Espagne Philippe II) et reçoit son premier gouverneur venu du Mexique en 1564. La ville de Manille est fondée en 1572.

Dès les débuts de la colonisation espagnole, les relations se font à partir de l’Amérique et non pas directement d’Espagne (car la route des Indes est contrôlée par les Portugais). Cette colonie espagnole, si  éloignée, ne devient jamais rentable. Des tensions sont présentes dès le départ avec les « Moros » de Mindanao et de Sulu au sud qui sont musulmans. Les autres indigènes se convertissent aisément au catholicisme sauf ceux qu’on appelle « Negritos » (cette population aborigène aujourd’hui métissée qu’on trouve dans les montagnes et qui demeure animiste ).

La colonisation se fait comme en Amérique latine avec des villes et leur place centrale entourée de beaux édifices (la « plazza mayor« ). Elle s’appuie sur des chefs locaux (les « principales ») et met en place un système d’exploitation du pays (système de « l’encomienda « ) avec de grands domaines agricoles (« haciendas« ).

Ce n’est qu’après l’ouverture du canal de Suez (1869) qui raccourcit considérablement le temps de trajet que de jeunes Philippins peuvent aller étudier en Europe (on les appelle les « illustrados »).

Assez logiquement, ces jeunes diplômés rentrés d’Europe appellent à contester la tutelle coloniale espagnole et c’est ainsi que José Rizal, principal héros national philippin (ophtalmologiste et écrivain), termine exécuté en 1896 !

cérémonie militaire près du monument en l’honneur de Rizal en 2015 qui est à Manille le lieu des commérations nationales

En 1898 les États-Unis profitent de l’affaiblissement de l’Espagne pour « affranchir » Cuba et les Philippines : en réalité si le nouveau leader philippin Aguilnado proclame l’indépendance le 12 juin 1898 ( et cette date du 12 juin est resté le jour de la fête nationale philippine), dès le mois de décembre 1898 la souveraineté de l’archipel philippin est transférée aux États-Unis moyennant un dédommagement à l’Espagne.

Les États-Unis poursuivent dans une logique de colonisation tout en modernisant certains éléments : création de l’Université des Philippines en 1908 ; redistribution des terres de L’Église avec indemnité au Vatican… mais pour les attribuer à des grands propriétaires terriens. S’il y a bien exploitation du pays (mines, bois, agriculture commerciale –sucre de canne, bananes, ananas-), il n’y a aucun début d’industrialisation.

Après 1935 de nouveaux projets sont mis en place et la tutelle coloniale américaine  s’allège : nouvelle capitale administrative à Quezon City (qui se trouve au nord-est de Manille et est aujourd’hui englobée dans l’agglomération de Manille) ; colonisation agraire de Mindanao ;  promotion du tagalog comme langue nationale ; création d’une armée philippine. Mais ces efforts de modernisation n’ont pas le temps de porter leurs fruits : dès le 8 décembre 1941 (le lendemain de l’attaque de Pearl Harbour) les Philippines passent sous occupation japonaise jusqu’au débarquement américain de Leyte en octobre 1944. Les dégâts sont considérables, à Manille notamment.

L’état du centre de Manille en mai 1945 après la libération

Après la Seconde Guerre mondiale les Philippines deviennent réellement un pays indépendant mais les États-Unis y conservent leurs bases militaires et continuent à exercer une forte influence économique et politique.

Le Président Marcos, soutenu par les États-Unis dirige le pays de 1965 (date à laquelle il est élu régulièrement) jusqu’à 1986 (date à laquelle il prend la fuite et se réfugie à Hawaï) : en 1983 il a fait assassiner son adversaire politique, Benigno Aquino, a été lâché par L’Église ce qui  déclenche un vaste mouvement de contestation populaire. Le peuple philippin retient de cette révolution le fait qu’on découvre plus de 1 000 paires de chaussures dans les placards de Mme Marcos ! C’est alors  la veuve de Benigno Aquino, Corazon Aquino qui arrive alors au pouvoir. Inexpérimentée, elle redonne le pouvoir aux grandes familles. Son fils Benigno Aquino III est président de la République de 2010 à 2016, remplacé depuis par Rodrigo Duterte.

Le décollage industriel des Philippines apparaît raté (contrairement à la plupart des autres pays d’Asie du Sud-est) par l’incapacité du pays à disposer d’un État fort et indépendant avec des cadres éclairés. Le personnel politique philippin au lieu de travailler pour l’intérêt public utilise souvent l’État comme instrument d’enrichissement personnel.

La croissance économique actuelle est essentiellement tirée par l’immobilier, un commerce sans réel développement. Il en résulte le fait que 2/3 des Philippins restent pauvres, 1/3 ne mangent pas correctement.  Il existe une très forte propension à l’émigration (notamment des femmes) vers les États-Unis et  les pays du Golfe (avec lesquels les liaisons aériennes sont excellentes et se sont renforcées grâces aux compagnies en plein essor Emirates (Dubai) et Etihad (Abu Dhabi), Qatar Airways). Les hommes philippins sont très nombreux à s’employer comme marins sur toutes les flottes du monde.

Le pays souffre également des difficultés liés au transport. Les transports intérieurs sont compliqués par la configuration de l’archipel : transport en ferries (souvent vétustes)  et en catamarans rapides (pour les passagers) mais aussi en avion avec, aux côtés de la compagnie nationale, Philippines Airways, des compagnies « low cost » Cebu Pacific, Zest Airways. L’ouverture internationale est compliquée par la saturation de l’aéroport international de Manille (situé seulement à 7 km du centre et complètement enkysté dans l’agglomération de Manille : il présente une faible ouverture hors d’Asie avec peu de liaisons directes avec l’Europe.

L’aéroport international de Manille en 2009 (il s’appelle Ninoy Aquino -en hommage à Benigno Aquino assassiné en 1983). Il se trouve à 7 km au Sud de la ville et a été construit en 1948 dans un site proche du littoral.

Un nouvel aéroport est en cours de construction à 35 km du centre vers le Nord cette fois… en fait quand on cherche son emplacement sur Google maps on se retrouve dans l’eau…

Voilà l’environnement de mangrove dans lequel on va construire ce nouvel aéroport (on est un peu dans le même cas que le nouvel aéroport prévu à Navi Mumbai). Il est prévu que cet aéroport soit terminé en 2026

Ce grand projet est intéressant parce qu’il s’inscrit dans une zone de mangrove fragile (comme toutes les mangroves tropicales) déja bien dégradées (par qu’il y beaucoup d’habitants à proximité qu’il va falloir reloger) et que les 3 grandes entreprises qui ont répondu à l’appel d’offre et été acceptées par les autorités philippines compétentes sont les 3 plus grandes entreprises du monde sur le secteur (groupe ADP -aéroport de Paris qui a construit Roissy-Charles-de Gaulle ; Jacobs Engineering Group -groupe texan qui a construit celui d’Atlanta- et Meinhardt Group -qui avait réalisé celui de Singapour- (c’est un groupe fondé en 1955 à Melbourne et qui s’est installé à Singapour en 1974 et s’est déployé en Asie -son historique est très intéressant pour comprendre la mondialisation actuelle en Asie du Sud-est voir notamment sa brochure de présentation en 124 pages -en anglais évidemment-)

Le site officiel de Meinhardt Group ici qui se félicite d’avoir été choisi

Le transport local dans l’agglomération est assuré par ces véhicules bricolés qu’on trouve souvent partout Asie du sud-est : « jeepney »  (taxi collectif à 20 ou 30 places), « multicabs » « trisikel » « skylab » (moto avec un banc pour 3 ou 4 personnes !) et des bus plus modernes.

Le port de Manille, principal port du pays, bien que doté d’installations modernes pour la manutention des conteneurs, n’a qu’un trafic relativement modeste à l’échelle de l’Asie du Sud-est, notamment du fait que les Philippines n’ont pas à exporter tous ces produits manufacturés fabriqués sur place qui encombrent les ports chinois, japonais, taïwanais, sud-coréens…

Dans les limites de « Metro Manila » (le Grand Manille) (17 communes), l’agglomération regroupe 12 millions d’habitants soit 5 à 6 fois plus que les autres grandes villes du pays (Cebu et Davao) et une aire urbaine de 16 millions d’habitants. Manille  est souvent prise comme exemple (au collège comme au lycée) quand on étudie l’urbanisation dans les pays en voie de développement car elle en est l’archétype, mêlant luxueux centres commerciaux (3 des plus grands « shopping malls » d’Asie se trouvent à Manille le SM Mall of Asia, SM Megamall et SM North) et habitat précaire  (1/3 des habitants vivent dans ce type de quartiers).

La tendance actuelle est la création de « townships » enclaves urbaines de mixité fonctionnelle (mais pas sociale) où l’on peut vivre, se divertir, travailler et qui sont enkystés au milieu du chaos.

Les problèmes à Manille sont multiples : inondations, transport (seulement 3 lignes de métro aérien très insuffisantes), logement, déchets, pollution de l’air et des cours d’eau, criminalité.

Pour conclure provisoirement sur ce pays peu connu une piste d’approfondissement sur les Philippines pour le rendre plus « incarné » ( mais il est nécessaire de lire couramment l’anglais !) Site « Unveiling Rizal » : Pour découvrir l’univers littéraire de José Rizal

Ce site évoque en effet la personnalité originale de José Rizal (1861-1896) le héros de l’indépendance. Né en 1861, il a fait des études de médecine en Espagne avant d’aller se spécialiser en ophtalmologie à Heidelberg en Allemagne. Il a décrit la société philippines sous colonisation espagnole dans ses deux romans écrits en espagnol : Noli me tangere (paru à Berlin et 1887) et El Filibusterismo (paru en Belgique en 1891) (traduit en anglais sous le titre de The Reign of Greed -le règne de l’avidité- ). Ces deux romans font partie du bagage culturel que tout lycéen philippin a lu ! Ils sont analysés sur ce blog et donnent envie de les lire (en anglais ? en espagnol ?)

Le géographe Universitaire français spécialiste des Philippines est Yves BOQUET, il a publié des quantités d’articles, d’ouvrages remarquables et très claires (voir ici le lien vers une émission de France Culture).

6 réflexions sur “Les Philippines : une petite introduction

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