Les États-Unis : la « Frontière » et la conquête de l’Ouest

Un nouvel article sur le territoire et l’histoire des États-Unis après ceux sur les toponymes, les États fondateurs, la Louisiane et le Vieux Sud et la Guerre de Sécession ce qui permet de mieux comprendre sa géographie actuelle, sa géopolitique et sa politique intérieure et ses mentalités. Son objectif est d’être capable à la fin d’avoir mémorisé les éléments qui correspondent à tous ces figurés et de pouvoir les utiliser pour ensuite faire de la géographie et de la géopolitique.

capture carte muette

Que désigne-t-on par l’expression  « The Frontier » ?

On peut traduire cela par « la Frontière » (avec une majuscule) mais cela ne nous éclaire pas sur la signification de cette expression. Elle désigne, aux États-Unis, la limite du peuplement d’ascendance européenne face au peuplement amérindien, et cette limite ne fait que reculer vers l’Ouest dans le courant du XIX e siècle jusqu’à disparaître et reléguer les Indiens survivants dans des réserves situées dans les régions les moins peuplées.

camp Oceti Sakowin

Le campement indien d’Oceti Sakowin (dans le Dakota du Nord) en hiver : tipis, caravanes et voitures. Voilà une réserve indienne aujourd’hui (capture Google maps)

Dans l’article précédent nous avons vu que Lincoln était né au Kentucky en 1809. C’est à ce niveau que se trouve la Frontière au début du XIX e siècle. Mais, dans la deuxième moitié du XIX e siècle, après la Guerre de Sécession elle va reculer et la totalité du territoire va être appropriée et organisée avec la création de nouveaux États.

Reprenons la carte de l’élection de Lincoln en 1864 :

vote de 1864

L’élection de Lincoln en 1864 : les 11 États confédérés qui ont fait sécession ne votent pas, pas plus que les régions de l’Ouest sauf les 3 États qui y existent la Californie, le Nevada et l’Oregon

Nous allons donc parler de ces régions où de nouveaux États,  ici en brun clair, sont organisés dans la deuxième moitié du XIX e siècle. Ce sont des États qui sont souvent associés à des images un peu confuses car liées à notre imaginaire des westerns. D’où l’idée ici de clarifier les choses pour placer précisément ces images sur la carte et les associer entre elles.

Une région marquée par l’immensité, la montagne, le désert, le faible peuplement

Capture distance Ouest

une manière de percevoir l’immensité concernée

Sur cette carte plutôt qu’une échelle classique j’ai indiqué deux flèches d’environ 1500 km : l’une qui va de San Francisco vers Denver, cette ville du Colorado au pied des Rocheuses et l’autre qui va de Chicago au bord du lac Michigan à Denver et qui fait également 1500 km.

Aujourd’hui  une pareille distance se couvre environ en 2 h 30 de vol. C’est d’ailleurs ainsi que les Américains d’aujourd’hui voyagent sur ces longues distances. En Europe nous circulons beaucoup plus  par voie ferrée (avec nos TGV) ou autoroute car les distances sont beaucoup moins importantes et qu’il n’y a pas à traverser des régions quasiment désertes. Mais au XIX e siècle à l’époque où l’on se déplace à cheval, il faut plusieurs semaines pour atteindre la côte Pacifique en traversant les Rocheuses

fuseaux horaires Amérique du Nord

Le découpage des fuseaux horaire en Amérique du Nord

Cette immensité du territoire américain explique également le découpage de fuseaux horaires : on a l’heure de la Californie, celle de Denver, celle de Chicago et celles du Nord-Est (sans compter l’heure de l’Alaska et celle d’Hawaï).

Les Montagnes Rocheuses : de la côte Pacifique à Denver 

Cette petite carte nous montre les trois plus hauts sommets de la chaîne des Montagnes Rocheuses qui culmine au-dessus de 4 400 m (c’est–à-dire une altitude comparable à celle des sommets des Alpes). Cette chaîne de montagne récente qui résulte du phénomène de subduction entre la plaque tectonique Pacifique et la plaque Amérique et se prolonge en Amérique centrale et du Sud par la Cordillère des Andes. Cela explique le fait qu’on soit dans une zone sismique (avec la célèbre faille de San Andreas près de San Francisco et le tremblement de terre de 1906 qui causa plus 3000 morts) avec des phénomènes volcaniques (très importants dans le Parc National de Yellowstone (au Wyoming).

Capture montagnes

Des Rocheuses partent les grands cours d’eau : le Missouri, affluent de rive droit du Mississippi, le Colorado qui coule vers le Sud et a creusé une vallée spectaculaire le Grand Canyon du Colorado (au Nevada).

Grand Canyon

Grand Canyon du Colorado : une vallée spectaculaire, un site touristique majeur pour un circuit qui passe par Los Vegas.

Le Nord de la chaîne des Rocheuses est très arrosé avec de belles forêts (et notamment ces immenses séquoias qu’on trouve en Californie dans le parc de Yosemite) et un enneigement hivernal (d’où des stations de sports d’hiver au dessus de Denver).

Le Sud-ouest des États-Unis est désertique et offre des paysages qui nous sont devenus familiers à cause de westerns.

Monument valley

Monument Valley (réserve Navajos près de « Four Corners ») : le lieu appelé John Ford point (qu’on voit dans la Chevauchée fantastique -1939-

La montagne est l’arrière-plan dans les trois grandes villes que sont Los Angeles, Seattle ou Denver.

CBD Los Angeles

Le quartier des affaires de Los Angeles, à l’arrière-plan les cimes enneigées de la Sierra Nevada (où l’on trouve le point culminant des États-Unis (hors Alaska) le mont Whitney (4421 m)

Seattle et space needdle

Seattle : le quartier central des affaires (CBD) et la Space needdle (tour construite pour l’exposition universelle), à l’arrière plan les Rocheuses (avec la proximité du Mont Rainier)

Denver Colorado

Denver (Colorado) au pied des Montagnes Rocheuses

L’arrivée du chemin de fer  désenclave l’Ouest américain

1ère liaison Omaha Sacramento

La construction du chemin de fer terminé en 1869 se fait depuis Sacramento en Californie (en utilisant une main-d’œuvre de coolies chinois et depuis Omaha au Missouri ; les 2 chantiers font leur jonction à Promontory Point dans l’Utah

timbre 75 e anniversaire

Le 75e anniversaire de la première liaison transcontinentale (1869) : le timbre est sorti en mai 1944, un mois avant le Débarquement de Normandie : = ceux qui ont choisi les noms de code des 2 plages américaines Omaha -comme la ville du Missouri d’où partait le chemin de fer- et Utah -comme le lieu de rencontre des 2 tronçons à Promontery  Point- avaient  sans doute cet épisode en tête !

L’organisation de nouveaux États et la relégation des Indiens dans des réserves

Capture carte nouveaux Etats grandes plaines

Cette petite carte montre les nouveaux États de l’Est des Grandes Plaines qui se trouvent à cheval sur le 100e de longitude Ouest qui marque la limite au-delà de laquelle l’agriculture devient impossible sans irrigation : ce sont de grands États agricoles dont la production dominante est différente du Nord au Sud (blé de printemps -un blé semé après le dégel-, blé d’hiver -un blé semé à l’automne-, maïs et tournesol plus au Sud

Capture Etats Four Corners

Carte mettant en évidence les 4 États du Sud-Ouest qui se coupent à angle droit d’où l’expression de « Four Corners » et qui sont marqués par l’aridité, la présence de réserves indiennes : l’Utah, le Colorado, le Nouveau-Mexique et l’Arizona. Les éléments de mémorisation sont liés à ce milieu aride qui permet d’établir une nouvelle Église sans être dérangé (Mormons de Salt Lake City, de faire des essais nucléaires (Los Alamos) mais qui rend la vie moderne compliquée (Phoenix, ses golfs, ses climatisateurs et ses piscines)  et où on a relégué les Indiens Navajos nomades dans l’aire qu’occupaient les Hopis sédentaires

Capture Phoenix

Capture Google Maps de Phoenix (1,7 million d’habitants) avec son agriculture irriguée, ses lotissement avec piscine et golf

capture Etats isolés montagnes rocheuses

Une dernière carte sur les 3 États les plus isolés, les moins connus : le Montana où eut lieu la bataille de Little Big Horn en 1876 (victoire des Sioux de Sitting Bull sur le général Cluster), le Wyoming où se trouve le Parc National de Yellowstone et ses phénomènes géologiques étonnants (geysers…), l’Idaho et son célèbre (!) musée de la pomme de terre

Old Faithful

Old Faithful, le vieux fidèle, un geyser du Parc National de Yellowstone dans la Wyoming qui jaillit à l’heure exacte pour la plus grande joie des touristes  !

Idaho-PotatoMuseum

Le musée de la pomme de terre à Blackfoot dans l’Idaho (site officiel)

C’est un gag de terminer un article là-dessus ! Non pas du tout. À première vue cela semble confirmer la vision très négative que nous avons souvent des habitants de l’Ouest américain : celle de gros ploucs racistes et armés, qui ne sont jamais sortis de leur trou, ne connaissent rien au reste du monde et ne pensent qu’à leur barbecues géants…

Or, ce musée de la pomme de terre est très intéressant : il  raconte l’histoire d’une   plante d’origine américaine qui a joué un rôle très important dans la culture des Incas  avant d’être introduite en Europe au XVIIIe siècle. Elle a permis aux régions océaniques aux sols ingrats de mieux nourrir leur population… jusqu’au moment où la maladie de la pomme de terre en Irlande en 1847 aboutit à une famine effroyable qui pousse de nombreux Irlandais à l’exil vers les États-Unis.

L’Idaho, de par son climat frais et humide se prête très bien à la culture de la pomme de terre, cet État produit actuellement 1/3 des pommes de terres des États-Unis et on y a développé des variétés qui sont susceptibles de résister aux maladies.

Ainsi, on découvre que les Américains des Grandes Plaines et des Rocheuses sont les descendants de pionniers qui ont dû affronter l’immensité hostile, le contact avec des populations indiennes qui savaient beaucoup mieux qu’eux exploiter ces milieux différents de ceux de l’Europe mais qu’ils ne considéraient pas comme leurs égaux. C’étaient des « sauvages »  dont ils ne pouvaient donc (ni ne voulaient), dans un premier temps, pas apprendre grand chose. Ils ont eu peur d’être massacrés (ils se sont armés et ne veulent, aujourd’hui encore, pas renoncer à ces armes).

Ils ont eu peur d’avoir faim comme ils avaient eu faim en Europe avant d’émigrer vers ce pays où ils espéraient pouvoir posséder la terre pour se nourrir (ils y ont développé une agriculture surproductrice qui est progressivement devenue spéculative, destructrice de l’environnement, générant cette malbouffe généralisée qui conduit au taux d’obésité le plus important au monde et ne savent comment sortir d’un tel dilemme).