Le volapük : histoire du fiasco de la première langue internationale

Volapük ? Ce nom étrange est celui d’une langue artificielle créée en 1879 par l’abbé Schleyer, un prêtre catholique de Constance (au sud de l’Allemagne).

Elle connaît un rapide développement dans ses premières années avant d’être supplantée par l’espéranto, né en 1887 et beaucoup plus simple (pour en savoir plus sur l’espéranto un petit article de 2015 et un autre plus récent Zamenhof Tago 15 Decembro 2021

L’objectif de l’abbé Schleyer est le même que celui de Zamenhof, proposer une langue capable d’unir l’humanité.

Dictionnaire Volapuk

Les débuts du volapük

L’abbé Schleyer publie une grammaire du volapük en 1879 et un premier manuel en langue allemande sort en 1880.

Dans un premier temps cette langue rencontre un certain succès auprès de la bourgeoisie germanophone et un premier congrès international est organisé en 1884 à Friedrichshafen, congrès qui se déroule en allemand.

Le volapük se diffuse ensuite aux Pays-Bas puis en France notamment sous l’influence d’un certain Kerckhoffs. Néerlandais, professeur d’allemand à Paris dans des écoles de commerce, il veut faire du volapük une langue utile pour la communication commerciale.

Querelles de personnes

Mais très rapidement des dissensions éclatent : querelles de personnes entre Schleyer et Kerckhoffs mais aussi divergences sur l’évolution de cette langue que certains estiment beaucoup trop complexe. Schleyer pourtant tient à rester « propriétaire » de « sa » langue et refuse de la voir se simplifier. Il prend le titre de cifal (Grand Maître).

Kerckhoffs au contraire entend simplifier cette langue pour la rendre plus facile à utiliser.

En 1889 le 3e congrès international de volapük se déroule en volapük… sauf qu’aucun des participants n’est capable de parler couramment cette langue ce qui globalement va marquer son échec, d’autant plus que l’espéranto vient de voir le jour et qu’un certain nombre de volapükistes déçus vont se tourner vers l’espéranto.

Une langue trop compliquée

En volapük le nombre de sons assez semblables est trop important. Il s’agit d’une langue agglutinante (ce qui signifie que les mots sont excessivement longs) avec des déclinaisons assez compliquées et un ordre des mots déroutant à l’oral. Les racines des mots sont apparemment très peu explicites d’où un énorme travail de mémorisation.

Autre difficulté, le volapük n’a à ses débuts touché que des individus appartenant à la bourgeoisie et ne parvient pas du tout à se diffuser dans le monde ouvrier.

Les dissensions se poursuivent aboutissant à des schismes et des réformes successives dans les années 1930 avec l’adoption d’un volapük réformé.

Aujourd’hui le volapük réformé (volapük nulik) survit grâce à Internet : on trouve quelques pages de Wikipédia traduites en volapük (même si la plupart ont été traduites automatiquement…).

Un exemple de la langue volapük :

Voici l’article 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 en volapük

Bagaf balid :

Valikans pamotons as mens libik e leigiks (tefü ods) demü dinits e demü gitäts. Pebelegivons me tikäl e me konsien e mutons bitön kol ods ön mod svistälik.

et sa traduction en français :

Article premier:

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

De Gaulle et le volapük

Le volapük reste encore associé à cette citation acerbe du général de Gaulle en 1962 lors d’une conférence de presse :

« Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé et écrit en quelque espéranto ou volapük intégré».

À travers cette citation qui condamne aussi l’espéranto –même si les auditeurs ont surtout retenu à l’époque le mot volapük-, De Gaulle montre surtout que, comme de très nombreux Européens, il n’a pas compris que ces langues créées par Schleyer et Zamenhof n’ont jamais eu pour ambition de remplacer nos langues européennes et de faire disparaître leur richesse mais bien de s’ajouter à elles pour nous permettre de mieux communiquer.

On pourra retrouver une copie numérisée du dictionnaire français-volapük publié à Paris en 1887  pour se faire une petite idée de la langue :

Dictionnaire de volapük intégré

4 réflexions sur “Le volapük : histoire du fiasco de la première langue internationale

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